Jaune Radiation est un jeu de rôle sorti en février 2014, écrit par Batronoban. Du haut de ses 120 pages, ce jeu vous propose une campagne dotée d’un système simple et taillé sur mesure. Le contexte ? La fin du monde, les théories du complot et une famille… pas comme les autres.

Jaune Radiation

« MJ : Bon, vous en avez marre des jeux trop sérieux ?!

Les 3 PJ en choeur : Ouais !

MJ se lève : Vous en avez marre des jeux où on parle de racisme, de crime et d’animaux anthropomorphes ?!

PJ 1, 2 et 3 se lèvent aussi : Ouais !

MJ hausse la voix : Vous voulez jouer à quelque chose de plus délirant ?!

Les PJ, de plus en plus enthousiastes : OUAIS !

MJ qui s’enflamme : VOUS VOULEZ JOUER UN GARS AVEC UNE RADIO À LA PLACE DE LA TÊTE ?!

Les PJ ouvrent la bouche et stoppent net. Ils se regardent, pas surs d’avoir bien compris…

PJ 3 : Euh… quoi ?

MJ, un peu moins enthousiaste mais les yeux toujours étincelants : Ben oui ! Vous voulez jouer un gars avec une radio à la place de la tête ou pas ?

PJ 2 chuchotant discrètement aux autres : Je crois qu’on l’a perdu.

PJ 1 qui se ressaisit : Non mais attends… tu veux dire quoi par « avec une radio à la place de la tête » ?

MJ qui prend ses fiches frénétiquement et les montre aux joueurs : Regarde, lui c’est Kid. C’est un gars naïf et timide. Il est super sympa et il a une radio à la place de la tête.

PJ 3 hausse les épaules et prend la fiche : Bon d’accord, pourquoi pas ? 

PJ 2 : Eh mais non, moi aussi je veux jouer Radiohead.

MJ : Il s’appelle Kid.

PJ 1 : Et pourquoi ce serait toi qui jouerait la gueule de radio ?

MJ qui tente de se faire entendre : Non, il s’appelle…

PJ 3 l’interrompt : Non mais attendez, y a 2 secondes, personne n’était intéressé par Mister FM et maintenant tout le monde veut le jouer ?

MJ s’énerve subitement : IL S’APPELLE KID !

Les PJ le regardent, surpris (malgré l’habitude) par ce sursaut de colère.

MJ poursuit, plus calmement : Alors c’est toi qui prends Kid et les autres joueront les membres de la famille Gregoreï.

PJ 2 : C’est qui ?

MJ : Une famille de plus-ou-moins détectives privés composée de deux frères qui ont des visions de l’Apocalypse. La soeur est un cliché de pin-up badass. Ah oui, y aussi le père, Karl, qui est un ex-flic. C’est aussi le fils de Vincent Van Gogh, le célèbre astronaute.

PJ 3 : Euh tu veux dire le peintre…

MJ lit la fiche : Non, non, je parle bien de Vincent Van Gogh, le célèbre astronaute devenu fou qui a dû changer son nom en Gregoreï quand il a été interné dans un asile.

PJ 3 qui regarde le MJ comme s’il venait d’une autre planète puis reprend : Attends, je te suis pas là. Vincent Van Gogh, c’est quand même bien un peintre ? Celui avec l’oreille, la nuit, les étoiles, tout ça ?

MJ soupire : Donc toi ça te gêne pas de jouer Radiohead mais un peintre reconverti en astronaute dans le jeu, ça, ça passe pas ?

PJ 2 : … il s’appelle Kid.

On décortique Jaune Radiation

 

Jaune RadiationAprès les remerciements aux souscripteurs qui ont permis au bouquin de voir le jour, celui-ci prend 4 pages pour la table des matières, l’introduction et la présentation de campagne (dans cet ordre-là). Jaune Radiation contient :

  • Personnages prétirés (6 pages) qui décrit les personnages (et fait office de fiches) principaux de la campagne, à savoir Kid (qui a une radio à la place de la tête), les membres de la famille Gregoreï et Rutger le Boucher, un personnage imaginé par un souscripteur ;
  • Capacités spéciales des personnages-joueurs (2 pages), un bref descriptif des pouvoirs qu’acquiert chaque personnage au cours de la campagne ;
  • La firme (18 pages) qui constituent le premier chapitre de la campagne de Jaune Radiation ;
  • Dans l’asile (16 pages), le second scénario ;
  • Brûlé par les ondes (16 pages), le troisième scénario ;
  • Les Anciens (12 pages), le quatrième scénario ;
  • Le Mont Sacré (15 pages), cinquième scénario et conclusion de la campagne ;
  • Appendice : Système WARP (21 pages) qui décrit en détails le système de règle dont s’inspire Jaune Radiation.

En couverture souple cartonnée, le livre au format A4 se conclut par une fiche de personnage ainsi que la licence permettant d’exploiter à sa guise le système WARP.

Univers : Radiohead, c’est plus ce que c’était…

Du grand et savoureux n’importe quoi ! Voilà ce qui me vient à l’esprit quand je lis l’histoire de Jaune Radiation. Néanmoins, s’il faut être un peu dérangé pour réunir autant d’ingrédients déjantés dans une seule histoire, il faut aussi avoir du talent pour que l’ensemble tienne. On a un mec avec une radio à la place de la tête, un autre qui s’amuse à faire péter des rochers dans le désert avec de la dynamite, des abeilles géantes qui annoncent la fin du monde. Et je vous ai parlé du gars avec une radio à la place de la tête ? Bref, c’est complètement barré comme jeu mais Batronoban arrive à immerger le lecteur dans son univers, aussi improbable soit-il. Rien que pour ça, bravo.

Quelques bémols. On a donc la famille Gregoreï, dont le père Karl est un ex-flic devenu détective privé. Il aide ses deux fils, Adan et Johan qui souffrent de visions de la fin du monde. Ils sont accompagnés par Kid, un garçon qui a une radio à la place de la tête, lié à ces visions apocalyptiques. Jusque là, tout va bien. Quatre personnages qui s’inscrivent dans une certaine logique (celle du jeu, la vraie logique ayant foutu le camp…) et cohérence. Ensuite vient Lili, soeur des Gregoreï, qui sert de quota féminin. C’est un cliché ambulant (« séductrice, peu d’hommes résistent à vos formes voluptueuses ») mais qui sait tout de même se défendre (« a suivi des cours de self-defense »). Bon, puisque c’est la soeur, on peut encore comprendre sa présence. Par contre, que vient faire Rutger, ce boucher français de Los Angeles qui se balade avec une hache ? En fait, c’est un souscripteur qui l’a imaginé. Du coup, on peut apprécier le délire du concepteur mais rien ne vient justifier sa présence dans le jeu. D’où ma réticence à cette pratique qui consiste à laisser des souscripteurs prendre le risque de dénaturer l’oeuvre d’un auteur.

Jaune Radiation

Salut, vous ! Ça va ?

Design et lisibilité : du bon, du moins bon et du n’importe quoi

Franchement, quand j’ai vu le bouquin, j’étais pas très enthousiaste. Des soucis de finition, des lettres qui sortent d’un cadre, une structure en deux colonnes qui peut gêner la lisibilité… j’avais de quoi soupirer avant de lire. À ma grande surprise, Jaune Radiation se lit très vite. Mieux, c’est agréable à lire. Les textes sont concis, les événements clairement énumérés, les embranchements possibles ainsi que les effets des réussites et échecs aussi. Les quelques aides de jeu (comme les plans) et certains dessins permettent en outre au MJ de visualiser le jeu. Ça reste toutefois très simple, du noir sur blanc avec des illustrations par-ci, par-là, toujours dans l’espoir que le lecteur s’imprègne de l’ambiance.

À propos des illustrations, elles ne plairont pas à tout le monde – le style étant assez marqué – mais elles collent parfaitement à l’esprit taré de Jaune Radiation. Je ne sais pas vous mais je trouve personnellement la couverture géniale et je pense qu’elle donne le ton quant à ce qui se trouve à l’intérieur du bouquin. J’en reviens toutefois aux problèmes de finition, qui donnent un air de non-abouti au livre. Je suis par exemple tombé sur une page qui a dû se tromper en mêlant texte et illustration. Après, on peut toujours se dire que ça fait partie de la folie du jeu mais c’est sur une page de règles donc… Bref, globalement, un jeu lisible, voire agréable à lire, malgré un premier contact qui ne donne pas très envie.

Jaune Radiation

Et donc à droite, on a Rutger… et on sait pas trop pourquoi !

Système de jeu : simple, très simple, trop simple ?

Alors là, on n’a pas une mais deux bonnes surprises ! Comme je l’expliquais dans la description de Jaune Radiation, le jeu se base sur le système WARP. Un système que je ne connaissais pas mais d’une légèreté efficace. De la création de personnages à la magie, en passant par les pouvoirs étranges et l’évolution des personnages, le système de règles ne compte que 20 pages. Vingt pages ! Pour un système complet qui peut être aménagé à l’univers de votre choix. La seconde surprise, c’est que seule la première page (et demie) suffit à jouer à Jaune Radiation.

Chaque personnage dispose de trois traits (très particuliers, genre « j’avais un badge autre fois, mon gars ! », à interpréter par le PJ) qui impliquent de lancer 3 ou 4D6. Il suffit de franchir un seuil de difficulté défini par le MJ et l’action est réussie. Un quatrième trait vient se greffer aux autres, celui-ci n’impliquant qu’un seul dé à 6 faces. Sachant que la difficulté moyenne est de 7, ce défaut sert bien sûr d’obstacle. S’ils ne disposent pas de traits propices à une situation donnée, les joueurs lancent 2D6. Et voilà, vous êtes prêts à jouer à Jaune Radiation. Bon d’accord, il reste encore quelques subtilités mais les mécanismes de base sont là. Le souci, c’est que la simplicité du système constitue aussi un défaut. Par exemple, une fois qu’on creuse ou qu’on cherche de la nuance, les règles n’offrent pas ou peu de réponses (même dans les pages suivantes). Au MJ donc de bricoler pour satisfaire les joueurs.

Jaune Radiation

Voilà, vous avez tout ce qu’il vous faut pour jouer à Jaune Radiation

Et quand on joue ? C’est le délire total !

C’est désormais une habitude : j’essaie de lancer au moins une partie avant de rédiger ma critique pour voir ce que donne le jeu autour d’une table. Dans le cas de Jaune Radiation, aucune surprise. L’univers déjanté déroute un peu les joueurs mais je conseille aux MJ de mieux gérer le rythme que moi-même. Et surtout, ne dépassez pas les 4 joueurs. Nous étions 7 autour de la table, ce qui a donné lieu à une introduction lente, quelques baisses de régime et surtout m’a mentalement épuisé ! Compte tenu de la teneur de l’univers, il faut s’attendre à des choix surprenants de la part des joueurs et se préparer à improviser. Quoi qu’il arrive, le MJ doit mettre en avant le caractère complètement fou du jeu, quitte à perturber les joueurs. Dans notre cas, la partie s’est bien déroulée et tout le monde est partant pour la suite.

Quant au système, il fait son job. Difficile d’en dire plus. Contrairement à la gamme Clé en Main (L’Aventure Perdue d’Arsène Lupin, Solipcity), le système ici se veut moins rigide et le recours aux traits offre plus de latitude aux joueurs quant à la manière dont ils souhaitent interpréter leur personnage. En revanche, j’ai eu beau parcourir les règles, une question s’est posée à la fin de notre partie. À quoi sert le défaut du personnage ? En termes de dés, j’entends, puisque nous n’avons pratiquement lancé aucun dé pour illustrer ce défaut. Peut-être faudrait-il revoir cet aspect pour que le défaut implique un malus plutôt que de l’interpréter par un seul dé. En tous les cas, je n’ai pas trouvé de réponse claire à cette question dans le livre.

Conclusion : la fin du monde, c’est bien mais…

En écrivant cette critique, la conclusion m’est apparue clairement. Jaune Radiation est un bon jeu de rôle. Oui, c’est un bon jeu de rôle mais un jeu de rôle auquel on ne jouera qu’une fois. Enfin, je reformule : c’est un jeu qu’on ne fera jouer qu’une fois. C’est grisant, c’est drôle, c’est barjot mais à l’image d’un bon film divertissant qu’on apprécie sur le moment et qu’on oublie après pour passer à autre chose, Jaune Radiation ne laissera pas un souvenir impérissable dans l’esprit du MJ ou des PJ. Il restera néanmoins une très chouette expérience sur le moment. Et si vous en avez marre de jouer les enquêteurs de l’occulte, les elfes archers ou les super héros, Jaune Radiation offre un contexte original et un système (trop) simple et efficace pour que le plaisir soit immédiat.

S’il y a parmi vous des fans des jeux de Batronoban, ne connaissant pas bien l’auteur et son oeuvre, n’hésitez pas à m’instruire dans les commentaires !

À bientôt sur Sitegeek,

Musa

Verdict

Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on joue ?

Jaune Radiation est un jeu dingue, un jeu simple et un jeu qui n'attend qu'une chose : vous happer dans son univers complètement déjanté pour vous faire vivre une aventure délirante mais peut-être pas inoubliable...