Tales from the Loop est un jeu de rôle publié par l’éditeur suédois Free League Publishing. Sorti en mars 2017 en anglais, ce livre de 192 pages vous permet de vivre des aventures mystérieuses dans la peau d’enfants des années 80. Les Goonies, c’est vous !

Tales from the Loop

« MJ de bonne humeur : Salut les enfants !

PJ 1, irrité : Oh c’est bon, arrête d’être condescendant un peu !

MJ, calmé net par la réaction : Euh… non, j’ai dit ça car vous allez incarner des enfants aujourd’hui… dans le jeu, quoi.

PJ 1, gêné : Ah… euh… désolé. 

MJ retrouve son entrain : Pas de souci, vous avez déjà vu Les Goonies ?

Silence des trois PJ.

MJ surpris, voire incrédule, mais se ressaisit vite : Vous avez déjà vu Stranger Things, alors ?

Silence pesant. Léger courant d’air.

MJ qui n’en croit pas ses oreilles… (oui, alors que c’est le silence) : Attendez, vous voulez dire que vous n’avez jamais vu ces trucs-là ? Mais comment est-ce possible ?!

PJ 2 : Bon ben ça va hein, on a une vie, on peut pas regarder tout ce qui passe à la télé.

MJ, toujours choqué, qui le regarde abasourdi, en clignant mécaniquement des yeux avant de reprendre : Non mais qu’est-ce que tu peux regarder de mieux que Les Goonies ? Film par excellence de l’enfance ! Meilleure aventure de tous les temps ! 

PJ 2, intimidé, répond très discrètement : Ben… on connaît pas…

MJ agrippe PJ 2 et le fixe d’un regard implorant, quelques centimètres séparant leurs visages. 

MJ : CHOCO ! Tu connais Choco, quand même !

PJ 2, qui n’ose pas regarder MJ dans les yeux, baisse le regard et répond à voix très basse : Euh… désolé.

MJ le lâche brusquement et s’assied, les coudes sur la table et la tête dans ses mains, le regard perdu.

PJ 3, qui s’approche précautionneusement : Ça va, MJ ? 

MJ, le regard dramatique et sur un ton alarmiste : Quel est ce monde ? Où sommes-nous ? Que nous arrive-t-il ?

Les 3 PJ se regardent, pas sûrs quant à la réaction à adopter.

PJ 1, avec un léger sourire réconfortant et faisant mine aux autres d’être enthousiastes : Non mais euh… nous, on demande qu’à découvrir hein. C’est quoi Les Goonies ?

MJ, qui boude et se retourne en croisant les bras : Non mais ça sert à rien que je vous explique, vous pourriez pas comprendre.

PJ 2 regarde les autres d’un air encourageant, comme s’ils avaient trouvé le moyen de réconforter MJ : Si, si, vas-y, explique-nous. Ça a l’air trop bien, Les Goomies…

MJ, qui boude toujours, répond du tac au tac, toujours sans les regarder : Les GooNies !

PJ 3 soupire et hoche la tête d’un air hypocrite en regardant PJ 2, comme s’il venait de dire la plus grosse bêtise au monde : Mais oui, c’est Les GooNies, espèce d’imbécile. Bon, vas-y MJ, parle-nous des GooNies. 

MJ se tourne timidement vers le groupe, revigoré par ses camarades de jeu qui l’implorent (si, si) de lui parler de ce chef-d’oeuvre qu’est Les Goonies. Il retrouve le sourire et bondit sur sa chaise pour se tourner vers les PJ.

MJ, plein d’enthousiasme : Alors Les Goonies, c’est une aventure GÉ-NIALE ! C’est l’histoire de Mickey, Data, Choco, Brand, Bagou… euh…

Les 3 PJ se regardent et commencent à regretter. Ça va être long.

MJ, qui compte sur ses doigts : … Stef, Andy… euh y avait qui encore… ah oui, Shinok ! Et la famille Fratelli ! Les criminels qui vont poursuivre Les Goonies ! Parce qu’en fait, ils vont découvrir une carte au trésor dans leur grenier, celle de Willy Le Borgne, un ancien pirate de la région qui était borgne (c’est pour ça qu’on l’appelle Willy Le Borgne) …

PJ 1 regarde discrètement sa montre. Seulement une minute s’est écoulée. Il tape dessus pour être sûr qu’elle n’est pas cassée. 

MJ, qui sautille sur sa chaise en racontant : … et alors, ils vont trouver une grotte pleine de pièges et puis y aura un piano fait avec des os humains et il faudra jouer les bonnes notes pour tomber dans la grotte avec de l’eau parce que de là…

1 minute 30. C’est pas possible, elle doit être cassée, cette montre.

MJ : … et puis ils vont enfin trouver le bateau avec le trésor de Willy Le Borgne mais ATTENTION, car les Fratelli sont là et ils veulent le trésor aussi. Shinok arrive alors et il va sauver les enfants et puis ils vont sortir de là mais ils pourront pas prendre le trésor car la caverne s’écroule… 

1 minute 37. Non mais le temps se fout de leur gueule, là !

MJ : … mais c’est pas grave, car Les Goonies resteront toujours ensemble et à la fin le papa de Mickey il frappe le papa de l’autre petit con et Les Goonies trouvent quand même quelques pierres précieuses et ils ont gagné et c’est une super aventure !

Les PJ se rendent compte après quelques secondes que l’histoire est – enfin – finie et réalisent qu’ils s’étaient affalés sur leurs chaises. Ils se redressent brusquement. PJ 3 se frotte les yeux, il était presque en train de somnoler. 

PJ 2 : Ouais donc en gros, c’est juste une aventure avec des gosses, quoi…

MJ : … »

On décortique Tales from the Loop

 

Tales from the LoopAu format A4, en couverture rigide et au papier cartonné, Tales from the Loop illustre d’emblée le cadre de jeu avec une carte des îles suédoises où (peut) se déroule(r) la campagne. S’ensuivent les crédits et le sommaire. Tales from the Loop contient :

  • 01 – Welcome to the Loop (8 pages) définit le jeu de rôle, aborde l’univers de ce jeu spécifique et explique comment y jouer ;
  • 02 – The Age of the Loop (20 pages) entre dans le vif du sujet et décrit les années 80 alternatives de Tales from the Loop, s’intéressant essentiellement au contexte suédois, ses références culturelles, sa technologie, le fait d’y être un enfant et finalement le Loop, ce grand réacteur au beau milieu des îles ;
  • 03 – The US Loop (14 pages) constitue l’équivalent américain du chapitre précédent, avec les mêmes thèmes abordés mais cette fois-ci dans la ville perdue de Boulder City, au fin fond du Nevada (dont une carte est également disponible) ;
  • 04- The Kids (16 pages) décrit les archétypes de gosses (ou gamins) que les joueurs devront incarner – rat de bibliothèque, geek, paysan, athlète, populaire, rockeur, fauteur de trouble, bizarre -, énumère les attributs/compétences et pose toutes les questions liées à la création de personnage ;
  • 05 – Trouble (12 pages) définit les règles de résolution, de coopération et de conflit, tout en décrivant de manière plus exhaustive les compétences et leurs effets bonus ;
  • 06 – The Mystery (22 pages) explique comment jouer un scénario dans Tales from the Loop, avec l’alternance entre la vie ordinaire et le mystère, la technologie, les aléas de la vie, la gestion des PNJ et des relations, les lieux, l’ambiance, etc.
  • 07 – The Mystery Landscape (14 pages) propose plusieurs pistes de scénarios (et leurs PNJ) permettant aux gosses de jouer façon bac à sable dans le contexte suédois (ou américain, le livre suggérant des alternatives en termes de noms et de lieux) ;
  • 08 – The Four Seasons of Mad Science (4 pages) présente le contexte des quatre scénarios (qui peuvent se jouer en Suède ou aux États-Unis) qui suivent et qui peuvent former une campagne ;
  • 09 – Summer Break and Killer Birds (16 pages) est le premier scénario du livre et propose un fil rouge, des PNJ détaillés ainsi qu’une flopée d’aides de jeu (cartes, plans) à l’adresse du MJ ;
  • 10 – Grown-up Attraction (12 pages) est le second scénario, dans lequel les adultes commencent à disparaître dans des circonstances étranges ;
  • 11 – Creatures from the Cretaceous (16 pages) est le troisième scénario, qui commence par la disparition d’un chien et prend une tournure (très) inattendue ;
  • 12 – I, Wagner (22 pages), le dernier scénario, repose sur le même principe que les précédents mais s’avère plus long et nécessitera en conséquence plus d’une session de jeu.
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Tales from the Loop se boucle sur une longue liste de souscripteurs, une illustration ainsi qu’une fiche de personnage.

Univers : Moi je veux être comme Peter Pan, je ne veux pas grandir !

 

Si, comme moi, vous avez grandi avec Stand by Me, Les Goonies, Retour vers le Futur, E.T., Hook, Nuit de Folie, L’Histoire Sans Fin, Chéri j’ai rétréci les gosses, etc. vous avez adoré Stranger Things. La série de Netflix, véritable phénomène, a repris les codes d’une époque où nous ne jurions que par l’aventure. Une aventure improbable et dont l’unique but était de faire rêver des geeks en culotte courte. La cerise sur la gâteau, c’est que Stranger Things ne rend pas seulement un bel hommage à ces films, elle met à l’honneur le jeu de rôle. Toute la série se construit autour d’un trio de gosses happés par une quête teintée de mystère, pour le bien et la justice, face à un monstre énigmatique. Les références à ce loisir, inédit dans les années 80, parsèment la série. Et parce qu’être spectateur ne suffit pas, il nous fallait un jeu de rôle dans le même esprit : Tales from the Loop.

Difficile de mieux résumer Tales from the Loop, qui aurait très bien pu s’appeler Stranger Things – Le Jeu de rôle. À quelques nuances près puisque le jeu a beau se dérouler dans les années 80, il en propose une version alternative. Robots et engins volants existent et intègrent naturellement le décor. Le cadre de base se situe par ailleurs sur les îles Adelsö, Munsö, Ekerö et Svartsjölandet, située autour du lac Mälar en Suède. Un second contexte aux Etats-Unis est toutefois disponible, les deux proposant des références culturelles à l’adresse du MJ. Ce qui compte, c’est que le jeu retranscrit avec brio l’ambiance années 80. Fêtes à la piscine après l’école, petit ciné crade du coin, VHS, posters de rock qui tapissent les chambres, walkman, skateboard, bandes du lycée – tout ce qui caractérise cette époque (cliché à l’appui) est présent. Les joueurs incarnent des gosses aux archétypes singuliers et peuvent s’identifier à tous ces enfants-héros qui ont bercé leur enfance. La lecture de Tales from the Loop propose un vrai bond nostalgique dans le temps et maîtrise toutes les références de l’époque.

Tales from the Loop

Archétypes des années 80

Design et lisibilité : du grand art

Anecdote cocasse : Tales from the Loop s’inspire en réalité des tableaux de Simon Stålenhag. Un artiste de science-fiction qui a réinventé les années 80 dans son oeuvre intitulée… Tales from the Loop. Aussi, la plupart des oeuvres du bouquin sont issues de son travail. L’artiste a toutefois dessiné de nouvelles illustrations pour le jeu et son travail est remarquable. L’illusion de réalisme qui émane des illustrations, ainsi que l’ambiance rétro qu’elles dégagent, est tout simplement bluffante. J’ai rarement vu un si joli travail dans un bouquin de jeu de rôle. Heureusement, le travail d’édition est à la hauteur d’une telle qualité. La structure des pages, les notes en post-it, les plans et autres aides de jeu trahissent un souci du soin et du détail implacable. Un tel niveau de perfection est rare, il faut le saluer.

En marge de ce travail éditorial impeccable, on aurait pu craindre un souci de rédaction. Pensez-vous ! Là aussi, Free League Publishing sort le grand jeu (sans mauvais jeu de mots) et propose avec Tales from the Loop un livre de règles parfait – avec sa campagne, qui plus est. Tout est clair, bien structuré, on retrouve rapidement les informations qu’on cherche et on comprend les mécanismes du jeu ainsi que son esprit à la première lecture. Les exemples ainsi que les conseils accompagnent le lecteur de A à Z et on sort de la lecture du livre avec une idée limpide de ce vers quoi nous emmène Tales from the Loop. Des jeux comme ça, on en veut plus !

Tales from the Loop

Design impeccable… (regardez-moi cette illustratoin !)

Suppléments : la cohésion, tout simplement

Free League Publishing a le souci du travail bien fait et de la cohérence. J’ai déjà pu le remarquer avec Coriolis : The Third Horizon (dont la critique sera disponible dans les prochaines semaines). Le soin apporté au design dépasse donc le simple livre et concerne également l’écran, qui affiche des faux airs de Rencontre du Troisième Type. Et si la patte artistique de Stålenhag fait mouche, il faut aussi saluer la face intérieure, qui résume parfaitement les règles et le déroulement de la partie. À ce magnifique écran s’ajoutent une carte recto-verso (pour les îles suédoises ou le contexte américain) et un set de dés. Purement accessoires, ces dés restent très jolis et complètent la gamme telle une cerise juteuse et reluisante au sommet d’un gâteau.

Tales from the Loop

Des suppléments à l’image du jeu… parfaits

Système de jeu : un système parfait

Je pèse mes mots : le système est parfait. Celui-ci est entièrement au service de la narration, sans pour autant s’effacer. Il reprend le système de résolution de Mutant : Année Zéro (qui sortira bientôt en français) et implique donc de jeter autant de dés 6 qu’une caractéristique (et éventuellement une compétence). Un seul 6 suffit dans la plupart des cas pour réussir une action. Exceptionnellement, deux ou trois 6 peuvent être requis. À cela s’ajoute une série de règles supplémentaires qui assaisonnent le système pour en faire un met savoureux. Par exemple, les objets iconiques des gosses (comme la radio du rockeur ou le ballon de basket de l’athlète) rapportent des bonus et incitent le joueur à en faire un usage varié. Un vrai plus pour l’ambiance, l’immersion et la narration.

Dès la création de personnage, d’ailleurs, Tales from the Loop invite chaque joueur à s’approprier son avatar. Les questions posées pour façonner sa personnalité ainsi que la dynamique du groupe permettent d’emblée de s’imprégner des personnages et de l’ambiance. De même, la narration repose sur l’alternance des scènes du mystère et des scènes de la vie de tous les jours. Ces dernières permettent aux joueurs de développer leurs relations avec leurs familles, leurs amis, etc. mais impliquent également des bonus dans le jeu. Cette symbiose entre système et roleplay synthétise parfaitement l’esprit de Tales from the Loop. Un grand jeu, tout simplement.

Tales from the Loop

Système léger, scénario bac à sable ou scénario avec aides et plans… Tales from the Loop est très complet

Et quand on joue ? Retrouve l’enfant qui est en toi

Avec tant de qualité sous la main, c’est fébrile que j’ai lancé ma partie de Tales from the Loop. Il fallait bien que ça coince quelque part, non ? Eh bien non ! La mayonnaise a vite pris et les joueurs se sont créé des personnages très typés, reprenant les gros clichés des années 80. Le cas social complètement délaissé par sa mère qui passe sa journée à fumer en écoutant la radio. Le sportif chouchouté par sa mère. Le gars populaire du lycée qui en a marre d’être au coeur de l’attention et qui va profiter des vacances d’été. Enfin, c’était sans compter sur son petit frère qui lui fout la honte un peu partout et parle de Donjons & Dragons ad nauseam. Bref, création de personnages : check !

Le système a permis de raconter l’histoire que j’avais préparée et les questions posées lors de la création des gosses m’a donné une flopée d’idées pour le roleplay et les scènes ordinaires de leur vie d’enfants. Le contrat est donc largement rempli. Nous avons eu quelques soucis avec les compétences, ne sachant pas toujours lesquelles utiliser pour des cas spécifiques (je pense au soin, même si on joue avec des enfants…). Les joueurs ont également souligné la difficulté parfois de se replonger dans la peau d’un enfant de 10 à 15 ans. Mais il s’agit là de défauts qui n’en sont pas réellement car ils n’entravent en rien le plaisir de jeu. J’ai pour ma part passé un excellent moment et n’attend plus que de trouver un créneau horaire pour caser la campagne dans mon agenda.

Conclusion : Jeu de rôle de l’année ?

Je sais, je sais, j’ai l’air d’un fanboy surexcité qui a foutu un coup de pied au derrière de son esprit critique. Je ne peux en effet nier que l’intérêt nostalgique de Tales from the Loop constitue un argument de taille. Aussi, si vous avez zappé cette période de la révolution culturelle, vous risquez de passer à côté de tout ce qui fait la saveur du jeu. En revanche, si cet univers, cette époque et cette ambiance vous parlent, Tales from the Loop est un incontournable dans votre ludothèque. Si l’anglais du bouquin reste accessible, je conseille toutefois aux rôlistes qui ne le maîtrisent pas de patienter. En effet, Arkhane Asylum annonçait récemment la traduction française du jeu. Une très bonne nouvelle, donc !

Et vous, que feriez-vous si vous pouviez vivre les aventures qui ont fait rêver tous ces gosses qui ont regardé Les Goonies, Stand by Me, Stranger Things, etc. ? Dites-nous tout !

À bientôt sur Sitegeek,

Musa

Verdict

Univers
Design et lisibilité
Suppléments
Système
Et quand on joue ?

Comme ces films et séries de notre enfance, Tales from the Loop vous propose de redevenir des gosses le temps d'une aventure teintée de mystère et d'intrigues (réelles ou imaginées ?). Mais attention, n'oubliez pas d'être rentrés pour le dîner !