Aujourd’hui, j’aborde un sujet que j’affectionne particulièrement, peu connu du grand public : le jeu de rôle papier. Mais pour vous en parler, je dois d’abord vous inviter dans mon propre univers…

Enfance au Pays imaginaire

Quand j’étais petit, j’aimais modérément les jeux classiques : football, touche-touche, petit-pont matage (vous n’avez pas connu ça, vous avez de la chance), etc. Très tôt, j’ai développé un amour pour la culture populaire : cinéma, télévision, jeu vidéo ou encore jeu de table. J’étais capable de me repasser un même VHS trois fois d’affilée jusqu’à pas d’heure. D’enchaîner les parties de jeu de société ad nauseam. De répéter inlassablement des répliques cultes. J’étais un geek pur jus before it was cool. Et puis un jour, la culture ne me suffit plus. Non seulement vivre l’aventure à travers d’autres personnages ne satisfaisait plus mon appétit imaginaire, la trame imposée par les scénaristes provoquait en moi une énorme frustration (je pense que ça a explosé à la mort de Mufasa… salauds de scénaristes !). Il me fallait changer le cours de ces histoires fictives. Importer mon propre personnage dans ces univers de rêve.

Du coup, quand mes amis me proposaient de jouer au foot, je proposais de « faire un film« . Je ne plaisante pas : pour moi, c’était bien un jeu. Imaginer un scénario, répartir les rôles et incarner des personnages imaginaires entre amis. Quand j’étais seul, je m’amusais également à revivre les scènes mythiques de films (voire tout le film… *toux gênée*). Je pouvais enfin modifier les choix scénaristiques qui ne me plaisaient pas (eh oui, moi je le sauvais, Mufasa !). Bref, bien que je sois quelqu’un de très terre-à-terre, j’ai toujours développé mon imagination car celle-ci ne se souffre d’aucune limite, sinon les siennes.

Jeu de rôle

Quand j’étais môme, je rêvais que d’une chose : entrer dans les films…

Le jeu de rôle et moi

Ce qui m’amène à mes 15 ans. Pour la première fois, un ami me parle de « jeu de rôle« . Une notion que je maîtrise vaguement à l’époque et qui évoque un clavier, pas du papier. « Non, non », me répond-il. « C’est un jeu sur papier où tu incarnes un personnage et tu vis des aventures en utilisant ton imagination ». D’abord perplexe (car j’avais quand même arrêté de « faire des films » à 15 ans), j’accepte de découvrir. C’est le coup de foudre ! Pour la première fois, un jeu au scénario et à l’univers prédéfinis me laisse libre de mes choix. Un jeu auquel m’avait préparé toute mon enfance !

Mais qu’est-ce que le jeu de rôle papier ? En 1974, deux Américains du nom de Gary Gygax et Dave Arneson sortent un jeu intitulé Donjons & Dragons (D&D pour les initiés), l’ancêtre du jeu de rôle, qui permet à un groupe d’amis ou d’inconnus de vivre des aventures imaginaires dans un univers largement inspiré de l’oeuvre de J.R.R. Tolkien (Le Seigneur des Anneaux, pour les incultes). Comme n’importe quel jeu, celui-ci repose sur une série de règles mais laisse la narration à la discrétion du meneur de jeu (MJ, ou MD pour « maître du donjon« ). Les règles ne servent qu’à encadrer l’aspect technique du jeu. Le reste repose sur le scénario du MJ mais aussi les choix des joueurs. Des choix qui peuvent remettre en question toute une partie et sont a fortiori illimités.

Donjons & Dragons

Donjons & Dragons en est aujourd’hui à sa 5e édition

Si vous connaissez le jeu de rôle sur PC et consoles, vous savez comme moi que la liberté qu’on nous ressasse sans cesse est un leurre. En définitive, le joueur ne peut pas s’absoudre de certains passages rendus obligatoires par les développeurs. Dans le jeu de rôle papier, en théorie, ces passages obligatoires n’existent pas (même si certains MJ s’efforceront d’y amener les joueurs). La seule limite tient donc de l’imagination du joueur. Et de la logique de l’univers dans lequel on joue, bien entendu. Quoique…

Pour se lancer dans une aventure rôliste, il faut dans généralement acheter ce qu’on appelle le livre de base (ou de règles). Celui-ci décrit de manière brève les tenants et aboutissants de l’univers concerné. Ensuite, il détaille les principales règles qui permettent de jouer. Souvent, d’autres ouvrages viennent s’ajouter au livre de base pour proposer des règles supplémentaires ou des scénarios. Ainsi donc, pour jouer à Donjons & Dragons – qui en est à sa 5e édition -, acheter le Manuel du Joueur ne suffit pas. Il faut également investir dans le Manuel des Monstres et éventuellement dans le Guide du Maître pour le MJ. L’avantage à l’ère du net, c’est que des sites web proposent d’aider les joueurs et de leur fournir moult informations. C’est le cas ici avec Donjons & Dragons 5.

Comment se déroule une partie de jeu de rôle papier ?

Vous avez donc normalement le MJ ainsi que les PJ (ou personnages joueurs). Le MJ a pour rôle de raconter l’histoire mais aussi d’incarner les PNJ (personnages non-joueurs). Tandis qu’il installe l’ambiance et décrit les événements, les PJ sont supposés réagir. Ou pas. C’est là tout l’intérêt du jeu de rôle papier. Par exemple, un ogre attaque subitement l’auberge dans laquelle vous vous reposiez. Certains joueurs sortiront les armes (la plupart, pour être honnête) mais rien n’empêche un PJ d’assister au spectacle depuis sa table, chope en main.

De même, ce PJ peut laisser les autres bougres se battre pour sortir cueillir des fleurs ou s’allonger dans l’herbe. Il peut même essayer de voler la bourse d’un autre PJ qui se bat ! Un PJ peut également choisir sa manière de combattre et faire preuve d’ingéniosité. Il peut dégainer son arme et foncer tête baissée. Il peut aussi se cacher et attaquer sournoisement. Et contrairement à un jeu vidéo, il peut le faire, quelles que soient ses caractéristiques (même si celles-ci influeront sur la réussite ou l’échec de son action). Le plus souvent, les règles impliquent de lancer des dés pour savoir si l’action entreprise par les joueurs est réussie ou non.

Ces quelques exemples reposent toutefois sur des jeux de rôle relativement classiques, qui misent peut-être plus sur les règles que sur l’ambiance. D’autres jeux de rôle proposent une dimension totalement différente. Enjeux politiques, mystères occultes, space opera, guerres de gangs, impérialisme médiéval, pègre, science-fiction, le jeu de rôle papier ne connaît aucune limite non plus en matière de contexte. Il existe même des systèmes de base qui ne contiennent que des règles que peuvent appliquer des MJ inspirés à leurs propres scénarios. Ou ils peuvent les appliquer à des univers existants. D’ailleurs, il existe des jeux de rôle se déroulant dans les mondes de Star Wars, de Game of Thrones ou encore de Doctor Who (pour ne citer qu’eux). Vous pourriez donc incarner un Garde de Nuit ou un chasseur de primes interstellaire, à condition d’être imaginatif.

Jeu de rôle

Vous avez toujours rêvé de vivre une aventure dans l’univers de Star Wars ? C’est possible…

S’évader, ça s’apprend

C’est probablement le seul « inconvénient » du jeu de rôle papier. Si la seule limite s’avère être l’imagination, encore faut-il la cultiver. Si petit, mes amis me voyaient déjà devenir réalisateur, je suis aujourd’hui enseignant. Et je constate dans mes classes que la culture de l’imagination est morte et enterrée. Il y a 20 ans, nous adorions jouer en nous imaginant dans des univers fictifs. Aujourd’hui, tout est livré sur un plateau aux nouvelles générations (et souvent de médiocre qualité). Pourquoi s’amuser à jouer un rôle imaginaire quand on peut le faire par le biais de supports virtuels ? Si telle est votre opinion, je vous invite à essayer le jeu de rôle papier, ne serait-ce qu’une fois. Les effets bénéfiques se comptent par dizaines. C’est convivial, c’est stimulant et ça permet surtout de développer justement son imagination. Ça permet en outre de renouer avec la lecture, qui est la première école de l’imagination.

Jeu de rôle

Avec un peu d’imagination, ta partie de jeu rôle peut ressembler à ça…

Quelques exemples de jeu de rôle papier

Je vais conclure cet article en vous proposant ce lien vers le Guide du Rôliste Galactique (ou legrog) qui propose un catalogue gargantuesque des jeux de rôle existants. Vous pouvez également, dans un premier temps, recourir à la liste de Wikipédia. Je vous propose finalement quelques exemples de jeux de rôle que je connais et que j’apprécie, même si mes connaissances restent limitées, ayant principalement joué à Donjons & Dragons durant mon adolescence :

  • Donjons & Dragons : j’allais forcément commencer par la base. Rien n’oblige qui que ce soit à jouer à D&D mais ça reste le classique par excellence. Incarnez-y un elfe, un nain, un demi-orque et optez pour la voie du guerrier, du mage ou encore du druide. Laissez-vous vivre une aventure épique en explorant des donjons et en affrontant des monstres variés. Le tout en récupérant de l’or et de la gloire… vous pouvez également interpréter un personnage maléfique et saboter l’aventure de vos compagnons de route.
  • Vampire – La Mascarade : on change radicalement de contexte puisqu’on se situe à notre époque, dans un monde qui ressemble beaucoup au nôtre. La seule différence, c’est qu’il existe une société secrète au sein de la nôtre, où règnent les vampires. Sombre et mystérieux, cet univers est frappé par des conflits politiques entre différentes factions et c’est là que vous, jeune vampire, évoluez au sein des castes belliqueuses (ou non). Et attention à la Mascarade, qui interdit formellement à tout vampire de révéler son existence aux humains, sous peine de subir un châtiment terrible. Contrairement à D&D qui se veut plus épique et technique, Vampire en appelle davantage à vos talents d’acteur et mise énormément sur votre aptitude à incarner votre rôle.
  • Les Ombres d’Esteren : je l’ai découvert très récemment, celui-là, mais l’ai vite adopté. Il s’agit d’un univers médiéval et féodal où les dangers naturels (et parfois surnaturels) guettent constamment les habitants d’une péninsule coupée du monde. La magie (ou en tout cas ce qui y ressemble) existe mais elle est rare et suscite crainte et fascination. Rares sont les amateurs d’aventure, celle-ci relevant plus souvent de la nécessité que du choix. Un monde dur qui produit des générations durcies et où les rares moments de bonheur doivent être chéris. On ne sait jamais de quoi demain est fait dans le monde d’Esteren… J’ai même écrit une synthèse de l’univers des Ombres d’Esteren que vous retrouverez ici.
Jeu de rôle

Détail important : Les Ombres d’Esteren est un jeu français !

À vous de jouer !

Si vous souhaitez découvrir d’autres jeux de rôle, Google est votre ami. Ensuite, il ne vous reste plus qu’à trouver un club dans votre région (en cherchant un peu, vous trouverez sûrement) et à tenter l’expérience. S’il y a des rôlistes parmi vous, n’hésitez pas à partager vos expériences en commentaires. Vous pouvez également réagir si vous n’y connaissez rien mais avez des questions (ce qui signifie que mon article a fait son effet). Sur ce, j’ai une partie de jeu de rôle à préparer donc je retourne à mes bouquins !

Source de l’image d’en-tête : UnEpic