Les NFT, ou jetons non fongibles, gagnent du terrain dans le domaine des jeux vidéo, suscitant un intérêt croissant parmi les grands studios tels que Ubisoft et Square Enix. Toutefois, cette nouvelle technologie soulève également des inquiétudes quant à ses implications potentiellement nuisibles pour l’industrie. Cet article explore les deux côtés de la médaille, tentant de démystifier les NFT et leur impact sur l’avenir du gaming.
Points Clés
- Définition et Fonctionnement : Les NFT sont des certificats de propriété pour des objets numériques, permettant l’achat et la vente de biens numériques comme des skins de jeux vidéo ou des œuvres d’art numériques.
- Impact sur les jeux vidéo : les grands éditeurs de jeux vidéo envisagent d’utiliser les NFT pour générer de nouveaux revenus grâce à des contenus numériques exclusifs et rares.
- Avantages pour les créateurs : les NFT pourraient permettre aux artistes et développeurs de jeux de monétiser directement leurs créations sans intermédiaires, potentiellement augmentant leurs revenus.
- Risques et critiques : malgré les avantages, les NFT sont critiqués pour leur impact environnemental négatif dû à la consommation d’énergie des blockchains, et pourraient contribuer à une économie de spéculation plutôt qu’à l’enrichissement de l’expérience de jeu.
Déjà, c’est quoi un NFT ?
Que ce soit dans les jeux ou ailleurs, l’acronyme NFT désigne un jeton non fongible lié à un objet numérique. L’idée est relativement simple : ce token est un certificat de propriété d’un bien numérique, censé être édité en quantités limitées. Il peut donc être lié à des images numériques, GIFs, memes, skins de jeux vidéo et clips par exemple. Si quelque chose est fongible, c’est une marchandise mutuellement interchangeable, comme l’est un billet de banque.
Les Non Fungible Tokens offrent donc la possibilité d’acheter et de vendre toutes sortes de biens numériques. Lorsque vous disposez d’un NFT lié à un article numérique spécifique, vous possédez le jeton certifié correspondant sur une bibliothèque numérique, la blockchain. En d’autres mots, vous obtenez un lien qui prouve que vous détenez cet actif numérique. Un petit peu comme si vous achetiez un tableau, mais que vous ne puissiez qu’encadrer le ticket de caisse ! À la différence bien sûr que cela ne concerne que des biens immatériels, issus du World Wide Web.
Un certificat pour les biens numériques
Beaucoup pensent que les NFT assureront un nouvel âge d’or pour la création artistique. Cette économie parallèle a même été nommée crypto-art et se définit comme l’alliage entre la technologie offerte par les cryptomonnaies et l’art.
Ce crypto-art permettrait aux artistes de sortir de leur dépendance aux différentes plateformes de distribution. Internet favoriserait donc la relation directe entre les artistes et leur communauté, en d’autres termes : moins d’intermédiaires et plus de revenus pour les artistes.
Le NFT est certes un titre de propriété, mais il peut aussi contenir un titre d’usage associé aux œuvres ou actions des artistes. Le groupe Kings of Leon permet, par exemple, d’accéder à ses concerts en possédant ses NFT.
C’est donc pour beaucoup de créateurs et d’artistes la possibilité de créer une économie dans l’économie que proposent les NFT.
https://youtu.be/sLFjqAJTGwI
Mais quel rapport avec le jeu vidéo ?
Dans le domaine des jeux vidéo, les grands éditeurs voient dans les NFT un moyen de générer de nouveaux revenus du contenu numérique. Ainsi, imaginons qu’un nouveau skin pour votre champion favori de League of Legends (pas Garen, donc !) soit édité en NFT, un joueur pourrait être le premier à l’acheter et en devenir l’unique propriétaire. Ce skin pourrait éventuellement être revendu au plus offrant, l’éditeur prenant sa part au passage. Évidemment, ce n’est qu’un exemple théorique, car Riot ne propose pas ce service, mais certains studios travaillent déjà sur cette idée.
Outre le fait d’associer des NFT à des skins cosmétiques, ces derniers sont aussi appliqués aux jeux de collection de cartes, comme Sorare, sur lequel nous reviendrons.
Ainsi, en plus d’être payé pour l’achat des cartes rares, un studio de jeu peut théoriquement générer une nouvelle source de revenus basée entièrement sur la revente de ces cartes rares en tant que NFT entre les joueurs sur son propre market place.
Même si cette pratique ne se fait pas encore, ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’industrie du gaming voient déjà où ce train va nous mener. Les grands éditeurs chérissent l’idée même des NFT, car ils ouvrent la possibilité de gagner énormément d’argent sur des articles rares. Cette rareté étant par ailleurs décidée par les éditeurs eux-mêmes.
C’est donc possiblement à l’aube d’un nouveau marché fort lucratif auquel nous assistons.
Si les entreprises du domaine des jeux peuvent satisfaire leurs investisseurs et gagner de l’argent simultanément, elles emprunteront la voie des NFT sans sourciller.
Quels sont les acteurs du marché ?
Lors des deux derniers trimestres de l’année 2021, les ventes de NFT se sont envolées et se sont élevées à 10,7 milliards de dollars au troisième trimestre, puis 11,6 milliards lors du quatrième trimestre ! On peut donc comprendre l’engouement des éditeurs pour cette nouvelle manne financière.
Si les plus grands acteurs de l’industrie du jeu vidéo n’ont pas encore sauté dans le bain de la blockchain, le nouveau modèle des jeux dopés aux NFTs, le play-to-earn, donne naissance à une nouvelle économie, certes encore loin d’être mainstream.
Les jeux play to earn
Qui ne voudrait pas gagner de l’argent tout en s’adonnant à son jeu favori ? De nombreux projets existent en ce sens et voici les plus populaires.
Roblox
Roblox est un site web et une application où les membres -4,7 millions de personnes chaque mois jouent à des jeux 3D créés par les autres membres. Les créateurs ne sont pas directement payés par Roblox, mais génèrent de l’argent quand les autres joueurs effectuent des achats dans leurs jeux, sous forme d’articles virtuels via une monnaie appelée Robux. Ils peuvent ensuite l’échanger contre de l’argent réel.
Dans une déclaration parue en novembre, l’équipe de Roblox a affirmé que la présence des NFTs avait un impact négatif sur sa capacité à servir de médiateur et à soutenir les joueurs dans les questions de propriété des objets.
Il n’est cependant pas sûr que l’équipe de Roblox expulse ainsi les NFTs de la plateforme, car ses dirigeants avaient par le passé exprimé beaucoup d’optimisme quant à cette technologie.
Sorare
Sorare semble vraiment avoir été taillé pour les NFT puisque c’est un cahier de collection de cartes de foot virtuel avec lequel on peut gagner de l’argent. Basé sur la cryptomonnaie Ethereum, ce jeu de fantasy football/trading est un point de départ idéal pour la collection de cryptos et de NFT.
Sorare permet à ses joueurs/managers d’échanger des cartes de collection numériques qui sont éditées en nombre limité, définissant ainsi leur niveau de rareté. Le but étant ensuite de participer aux tournois et ligues proposés par la plateforme qui suivent ceux qui se déroulent dans le monde réel.
La croissance de cette plateforme est telle que l’équipe de Sorare a déjà obtenu les droits de géants européens comme la Juventus et le Bayern Munich, mais aussi les ligues japonaises ou coréennes. Un jeu à suivre, donc !
Axie Infinity
Axie Infinity est un jeu vidéo en ligne basé sur le NFT et développé par le studio vietnamien Sky Mavis qui permet à ses 2 millions d’utilisateurs quotidiens de collectionner, d’élever et d’échanger des créatures appelées Axies dans le but ultime de les faire se combattre. Ces créatures sont numérisées en tant que NFT.
Ce modèle de jeu play-to-earn permet aux participants de gagner des jetons échangés sur Binance en tant que cryptomonnaie basée sur l’Ethereum, ou encore des actifs du jeu en tant que NFT. Axie Infinity permet à ses utilisateurs d’encaisser leurs jetons tous les quatorze jours. Les participants ont également la possibilité d’acheter des terrains virtuels dans le jeu, toujours sous forme de NFT.
Le jeu a pris une telle importance que le ministère des Finances des Philippines, où des gens utilisent Axie comme principale source de revenus, a décrété que les revenus provenant d’Axie Infinity allaient dorénavant être imposables !
Le Metaverse
Au-delà de ces jeux déjà impliqués dans les NFT, la prochaine révolution serait ce monde parallèle appelé Metaverse dans lequel les NFT deviendraient les titres de propriété de tout ce qui le compose. Les NFT pourraient ainsi permettre un accès exclusif à un lieu dans le métaverse, et autoriser ou non son accès à d’autres utilisateurs.
Les fonctionnalités des contrats liés aux NFT pourraient ainsi permettre l’achat et la vente de biens immobiliers dans ce nouvel univers.
Les NFT pourraient in fine jouer un rôle publicitaire en plaçant des marchandises de marque dans les mains des adeptes de ce monde virtuel : le métavers et les NFT semblent vraiment faits l’un pour l’autre.
Les NFT débarquent dans les jeux mainstream
Compte tenu de l’importance des revenus potentiels à en tirer, certains des plus grands éditeurs du secteur du jeu ont beaucoup parlé des NFT ces derniers temps. Voici les studios qui semblent pressés de se lancer dans l’aventure :
Ubisoft
Parlant de sa propre initiative NFT appelée Quartz, les éditeurs d’Assassin’s Creed et de Far Cry ont déclaré :
“Nous comprenons d’où vient le sentiment (négatif) envers cette technologie, et nous devons continuer à en tenir compte à chaque étape. Cette expérience a pour but de comprendre comment la proposition de valeur de la décentralisation peut être reçue et adoptée par nos joueurs. Nous savons que c’est un changement majeur qui prendra du temps.”
Electronic Arts
Le PDG D’EA, Andrew Wilson, a ainsi déclaré ceci lors d’une conférence téléphonique sur les résultats de novembre 2021 :
“Je pense que dans le contexte des jeux que nous créons et des services en direct que nous offrons, le contenu numérique à collectionner va jouer un rôle significatif dans notre avenir. Donc, il est encore tôt pour le dire, mais je pense que nous sommes dans une très bonne position, et nous devrions nous attendre à ce que nous réfléchissions de manière plus innovante et créative à ce sujet à l’avenir.”
Square Enix
Dans une lettre du 1er janvier 2022, le président de Square Enix, Yosuke Matsuda, évoquait les joueurs qui critiquent les NFT :
“Je réalise que certaines personnes qui ” jouent pour s’amuser ” et qui constituent actuellement la majorité des joueurs ont exprimé leurs réserves à l’égard de ces nouvelles tendances, et cela est compréhensible. Cependant, je pense qu’il y aura un certain nombre de personnes dont la motivation est de ” jouer pour contribuer”, c’est-à-dire pour aider à rendre le jeu plus passionnant. Le jeu traditionnel n’a offert aucune incitation explicite à ce dernier groupe de personnes, qui étaient motivées strictement par des sentiments personnels incohérents tels que la bonne volonté et l’esprit de bénévolat.”
Ou créent de la résistance
D’autres éditeurs voient d’un mauvais œil le changement de monétisation que les NFTs apportent à l’industrie du gaming. Certains éditeurs et studios ont clairement pris parti contre.
Valve
Les jeux qui utilisent la technologie blockchain ne seront pas autorisés sur Steam, la plateforme/boutique de jeux PC la plus populaire, selon une règle ajoutée à la liste “Ce que vous ne devez pas publier sur Steam” de Valve. Ce changement est dû au fait que la société n’autorise pas les articles de jeu qui pourraient avoir une valeur dans le monde réel.
Xbox
En novembre 2021, le vice-président exécutif Phil Spencer, offrait cette déclaration sur l’avenir des NFT dans les jeux.
“Ce que je dirais aujourd’hui sur les NFT, tout en haut, c’est que je pense qu’il y a beaucoup de spéculation et d’expérimentation qui se passe, et que certaines des créations que je vois aujourd’hui sentent plus l’exploitation que le divertissement.”
Epic Games
Le PDG d’Epic Games, Tim Sweeney, a tweeté en septembre 2021 que son entreprise ne mettrait pas en vedette les NFT dans ses jeux. Même si Epic est ouvert aux jeux qui prennent en charge les cryptomonnaies ou les actifs basés sur la blockchain s’ils sont réalisés par d’autres développeurs.
“Nous ne touchons pas aux NFT, car tout le domaine est actuellement empêtré dans un mélange insoluble d’escroqueries, de fondations technologiques décentralisées et d’arnaques.”
Les NFT n’en sont certes qu’à leurs balbutiements, mais divisent donc déjà l’industrie et la toile pour une multitude de raisons.
Pourquoi les NFT divisent la toile ?
Comme toutes les révolutions, celle des NFTs fait peur. On ne sait pas encore vers quoi nous allons, mais certains points méritent d’être évoqués pour comprendre pourquoi le débat fait actuellement rage.
Acheter des biens immatériels reste difficile à imaginer
Acheter ces biens immatériels pose en effet deux problèmes majeurs.
Il y a tout d’abord le souci de l’inaccessibilité : la mise en place des portefeuilles de blockchain reste relativement complexe. En effet, le simple fait d’acheter et de vendre est périlleux puisque l’envoi à une mauvaise adresse peut tout simplement vous faire perdre votre mise.
Ensuite, des frais de transaction sont appliqués à chaque vente de NFT. La plupart des NFT sont aujourd’hui liés à la blockchain ethereum, qui peut être frappée de congestion : plus il y a de personnes qui utilisent cette cryptomonnaie et plus les frais seront élevés.
La spéculation n’a pas sa place dans le jeu vidéo
Le jeu vidéo est avant tout un plaisir. Quand il chevauche Ablette vers de nouvelles aventures, Geralt de Riv ne pense pas à revendre sa collection de Gwent sous forme de NFT. Les NFT n’apportent rien de nouveau en matière d’expérience de jeu, mais beaucoup de poudre aux yeux cosmétique. Il semble que l’intérêt ne soit que purement financier et spéculatif. Alors certes le détenteur du NFT peut espérer en tirer un profit, mais joue-t-il encore ?
Le marché de la revente d’objets numériques dans les jeux n’a pas attendu la blockchain pour exister : mais les NFTs semblent simplement permettre aux éditeurs de garder ce marché sous coupe serrée.
La gestion des NFT est hyper polluante
Enfin, et c’est sûrement le dernier point à surveiller, les technologies blockchain sont énergivores et consomment beaucoup d’électricité. Comme les NFT sont liés à des cryptomonnaies qui génèrent beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre, comme l’Ethereum, beaucoup de créateurs commencent à refuser de vendre sous forme de NFT après avoir entendu parler des effets qu’ils ont sur le changement climatique.
En conclusion
Même si l’on peut reconnaître les promesses de cette technologie, que ce soit dans le domaine des jeux vidéo ou non, il reste difficile de ne pas y voir une démarche intéressée de la part des éditeurs qui semblent très prompts à s’engouffrer dans la brèche.
La grande question semble être ce que les NFTs peuvent apporter aux jeux de plus qu’une approche centralisée. Si l’idée même de posséder des contenus numériques est très attrayante pour les joueurs, comme le prouve le succès de la plateforme Sorare, il semble saugrenu de penser que les NFTs vont contribuer à une meilleure participation des joueurs et une démocratisation de biens immatériels, dont la propriété intellectuelle, rappelons-le, appartiendra toujours aux éditeurs. Square Enix ne met pas des millions dans le développement de cosmétiques pour laisser ses joueurs les échanger sans qu’il n’ait son mot à dire.
Cela dit, si cette monnaie et la technologie dont elle est issue peuvent permettre de valoriser certains créateurs au sein des studios, cela pourrait effectivement avoir un réel impact, positif, sur l’industrie, en mettant en valeur des éditeurs émergents ou des indépendants.
Enfin, les potentiels profits que ces tokens généreraient au sein de l’industrie du jeu inciteraient probablement de nombreuses marques extérieures au jeu vidéo à former des partenariats avec des éditeurs et des projets blockchain, ce qui boosterait d’autant le secteur.
Ce qui est sûr, c’est que le débat n’est pas clos et que l’année 2025 verra sans doute autant de projets liés aux NFTs éclore que de studios qui décideront de s’en éloigner, pour un temps du moins.
Et vous, qu’est-ce que vous pensez de ce phénomène ?
Dites-nous tout dans les commentaires.
Gwen
Vous parlez pollution ?
1)Attendez les fermes de cloud gaming elles polluent un max.
2) on est en pleine pénurie de puces et steam nous sort une console portable .
3) je parle même pas des serveurs steam .
Les jeux vidéos beaucoup comme moi n’en ont rien à faire car ça n’apporte rien , à part polluer .
Par contre les NFT et les cryptos en pleine période d’inflation c’est très utile .
Des gamers qui changent leur matos ( composants , périphérique, figurines , manga ( quand on voit combien sont édités , merci à la tasmanie et ses forêts d’eucalyptus bombardées au napalm pour l’exploitation et aux japonais qui l’exploitent ) , etc… ) tout les ans qui viennent nous faire la morale sur la pollution c’est vraiment paradoxal …
Suis trop terre à terre peut être
Mais si je résume
Tu achètes un bien immatériel avec une monnaie d’échange qui n’existe pas vraiment pour que d’autres puissent gagner de l’argent
C’est juste ??
J’ai le cerveau qui fume 😁
Mdr c’est un peu ça oui mais les valeurs des monnaies et des NFT sont régulés par des plateformes.
Juste pour signaler qu’il n’ y a aucune différence entre les cryptos et les monnaie fiat dans leur usage .
Que je convertisse une crypto ( qui m’a rapporté des milliers d’euros alors que je n’avais misé que 200 € ) en euro , ne change rien au fait de payer un jeu vidéo directement en cryptomonnaie .
Hé ben, espérons que ça ne devienne pas n’importe quoi cette année avec ça 😜