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Printemps Éternel fait partie de ces films choc que l’on n’attend pas. Néanmoins, si vous scrutez la liste des nominés aux Oscars 2023, vous pourriez retrouver son nom à trois reprises… En attendant le 25 janvier et les nominations officielles, j’ai eu la chance de découvrir cet OVNI en avant-première. Je vous livre mon avis sur ce documentaire surprenant.
Printemps Éternel – Un projet en quête de récompenses ?
Printemps Éternel a été réalisé par Jason Loftus. Ce documentaire mêle animation, archives d’époque et entretiens contemporains avec les différents intervenants de l’histoire. Avec cette forme atypique, le réalisateur canadien parvient à raconter et à donner vie à un fait historique aussi dramatique que trop méconnu chez nous : le piratage de la télévision d’Etat, dans une Chine persécutée par une autorité aux idéologies communistes et répressives.
Si le documentaire prend le temps de revenir sur cet épisode tragique de l’histoire récente de la Chine, il parvient aussi à en saisir toute la moelle, et tous les enjeux. Cela passe autant par une mise en scène atypique, que par une narration intimiste et authentique.
Après une tournée triomphale dans divers festivals où le film a remporté pas moins de 13 prix et a été présélectionné dans trois catégories pour les Oscars 2023, Printemps Éternel sera disponible dans Cinéma Aventure à Bruxelles à partir du 25 janvier via REVEAL Films.
Le documentaire a déjà secoué les consciences des juges de nombreux festivals.
Pitch – Il était une fois à Chang Chun
‘L’histoire a donné une leçon aux Chinois,
ceux qui osent s’opposer au Parti souffriront.’
Au début de notre millénaire, en mars 2002, une chaine de la télévision d’État chinoise a été hackée par un groupuscule aux idéologies pacifiques et antisystèmes. Les acteurs de cette expédition étaient membres du Falun Gong. Le Falun Gong représente un mouvement spirituel d’obédience bouddhiste. Au vu de son succès et de sa tendance à fédérer le peuple, il a été déclaré hors-la-loi par le gouvernement chinois. Néanmoins, même persécutés, les adeptes de cette pratique aussi futile que libératoire, continuaient à se rassembler pour méditer ensemble, et cultiver l’art de vivre pour soi, pour autrui et pour la liberté d’expression.
Lorsque la situation est devenue à ce point violente et insoutenable, quelques adeptes, menés par des individus lambda héroïques, sont parvenus à dévier les signaux vidéos de la télévision nationale. Ils ont ainsi, pendant de longues minutes, diffusé des vidéos vantant les bienfaits du Falun Gong, tout en dénonçant les accusations diffamatoires du gouvernement à son égard. S’en est ensuivi une chasse aux hommes afin de cerner la résistance, et les jugements sont tombés au rythme des sévices. Parmi les survivants, un dessinateur, Daxiong, a pris la plume pour dessiner cette réalité d’horreur. Entre dessins, archives et interviews contemporaines, le réalisateur a pu retracer cette histoire jusqu’à son dernier souffle. Le souci de justice et de vérité semble avoir été les leitmotivs moteurs de cette fresque.
Daxiong dessine l’enfer d’une réalité. Une façon d’extérioriser l’horreur.
Avis – Printemps Eternel
Entre nostalgie et souffrance
Printemps Éternel et son réalisateur Jason Loftus vous font voyager de New-York à Séoul, avec une destination récurrente en Chine, Chang Chun. C’est dans cette ville que se déroulent les faits. Si la liberté d’expression et l’oppression ont une force castratrice sur le fait de relater, rapporter et mettre en scène des images filmées, le coup de crayon du dessinateur Daxiong n’en est que plus parlant. C’est en effet lui que l’on va suivre, en quête de témoignages des survivants ou des derniers témoins des évènements, 20 ans plus tard.
Lui-même séquestré et torturé dans la cadre de l’enquête sur le piratage de la télévision chinoise, il parvient à retranscrire le silence et la douleur de ses années de rétention lorsqu’il donne vie aux témoignages en les dessinant. Cette puissance est aussi parfois lyrique quand il anime ses dessins pour dépeindre la ville de Chang Chun telle qu’il l’a connue lors de son enfance.
L’animation selon Daxiong et Loftus
L’art pictural au service de la vérité
En passant par des procédés d’animation tels que le matte painting et la modélisation, l’art pictural de Daxiong parvient aussi à vulgariser un message lourd et peu digeste pour les néophytes. De plus, le réalisateur réussit à jongler entre les moments clés de ces destins croisés en usant habilement de flashbacks, délicatement ordonnés et arrangés au fil de la narration.
Si le documentaire n’a pas les ambitions pop corns de la Casa de Papel, il parvient tout de même à convaincre le spectateur de l’importance de la cause défendue par les personnages principaux. Ces personnages gagnent en crédit et en capital sympathie a fil des minutes. La tension monte. Le coup de crayon se durcit pour rendre une réalité de plus en plus brutale. Il assume son message dénonciateur. Il met les mains dans le cambouis pour remuer cette réalité malodorante, qu’on préfère trop souvent laisser à nos voisins. Ce document coup de poing a réussi son coup, par la force de la vérité et de la délicatesse, tout comme le suggère la doctrine du Falun Gong. Si la boucle n’est pas si facilement bouclée, le message de Jason Loftus est parfaitement passé.
À bientôt sur SITEGEEK,
Vega