L’Agence Barbare – Le Jeu d’rôle est édité par les Éditions Stellamaris et adapté de la BD de Marko et Olier. Sorti en octobre 2015, ce livre de 280 pages vous propose d’incarner la police… Enfin, la police médiévale sous la démocratie d’un tyran. Si, si, c’est logique !
“MJ : Garde à vous !
Les PJ sursautent, surpris.
PJ 1 se lève par réflexe, les yeux grands ouverts pas très sûr de ce qu’il est censé faire.
PJ 2 : Euh… tout va bien, MJ ?
MJ : C’est comme ça qu’on parle à un officier supérieur, Enseigne ?! Vous serez de corvée de nettoyage des crottes de draks autour du Donjon !
PJ 3 : Mais MJ, qu’est-ce que tu…
MJ l’interrompt : C’est “Lieutenant MJ”, Enseigne ! Vous aussi, serez de corvée et vous nettoierez le réfectoire du Donjon. Ah, et n’oubliez pas de remplir le distributeur de vin chaud ! On a des agents qui forcent un peu trop sur la boisson…
PJ 1 se rassied et murmure aux autres : Je crois qu’on en est en plein dans le jeu, là…
MJ : Silence ! On ne joue PAS, à l’Agence Barbare, on y défend la veuve et l’orphelin, on y lutte contre le crime. *Musique inspirante… que lui seul entend* On y dédie nos vies à la protection de la cité d’Astaris !
PJ 2 : Euh… Chef…
MJ l’interrompt : C’est Lieutenant !
PJ 2 : Euh oui c’est ça. Lieutenant, pourquoi vous avez le poing levé et un pied sur la chaise avec la tête levée vers le ciel ?
Les trois PJ regardent le MJ. Celui-ci réalise l’absurdité de sa pose et se rassied, gêné.
MJ avec moins d’aplomb : Silence, Enseigne. Je ne tolérerai pas que la bleusaille se permette d’interrompre un officier. Alors puisque vous êtes là, j’ai une mission pour vous…
PJ 2 lève la main.
MJ : … vous allez devoir vous rendre…
PJ 2 sautille, la main levée.
MJ : … à la Hure, la rue fréquentée par les Sanglianthropes…
PJ 2 sautille, la main levée, et murmure “moi, moi, moi”.
MJ : … pour… * soupire et s’interrompt* Oui, Enseigne ?
PJ 2 arrête de sautiller et sourit : Pourquoi vous nous appelez “Enseigne” ?
MJ, les sourcils froncés : Parce que c’est le nom qu’on donne aux nouvelles recrues. Et si vous êtes pas contents, vous pouvez vous plaindre auprès de la FNSEA. Je disais donc… Vous devez aller à la Hure car il s’y déroulerait un trafic de poudrave…
PJ 2 relève et la main et se remet à sautiller.
MJ essaie tant bien que mal de se contenir : … et l’Agence Barbare a été convoquée pour… quoi encore, Enseigne ?
PJ 2 arrête de sautiller et sourit d’un air béat et curieux : C’est quoi la FNSEA, Lieutenant ?
MJ soupire et répond à voix basse : C’est la Fédération Nécessaire et Syndicale des Émissaires et Agents.
PJ 2 qui comprend mieux : Ah d’accord.
MJ : Revenons à nos moutons… il y a donc un trafic de poudrave de Myrdia à la Hure et… QUOI ENCORE, ENSEIGNE !?
PJ 2 arrête de sautiller (oui, il avait recommencé) et demande : C’est quoi la poudrave de Myrdia, Lieutenant ?
MJ, exaspéré, demande d’une voix subitement plus calme, presque implorante : C’est quoi votre nom déjà, Enseigne ?
PJ 2 d’un air fier et en bombant le torse : Mairdeu Lechyant, Lieutenant ! Troisième du nom !
MJ : …”
On décortique L’Agence Barbare – Le Jeu d’rôle
Au format A4, en couverture souple et cartonnée, L’Agence Barbare s’ouvre sur une préface des Mark et Olier (auteurs de la BD éponyme), suivie d’une carte des Quatre Royaumes, spécialement conçue pour le jeu. L’Agence Barbare – Le Jeu d’rôle contient :
- 0 – Droit dans le Mur (3 pages), une mise en situation dans l’univers de L’Agence Barbare, histoire de donner le ton à la suite ;
- 1 – Bienvenue à l’Agence Barbare (7 pages) sert d’introduction au jeu de rôle et plus particulièrement au jeu de rôle humoristique et parodique, vu l’univers dont ce jeu s’inspire ;
- 2 – Les Quatre Royaumes (24 pages) décrit l’univers global de L’Agence Barbare, à savoir les Quatre Royaumes, leur culture, leur origine, leur histoire, leurs cultes, etc. ;
- 3 – Astaris, Perle des Cités (29 pages) s’attarde sur la ville dans laquelle se déroule essentiellement le jeu, Astaris, cité neutre au coeur des royaumes. Histoire, politique, administration, justice, quartiers et presse y sont décrits ;
- 4 – L’Agence Barbare (19 pages) s’intéresse à l’agence dont les joueurs sont membres, à son fonctionnement, ses missions, son recrutement, son économie, ses grades et à son QG le Donjon ;
- 5 – Le Crime à Astaris (8 pages) définit les lois que fait respecter l’agence et donne des conseils quant à l’interprétation des antagonistes lambda ainsi que des grands méchants et autres forces maléfiques ;
- 6 – Créer un Personnage (19 pages) énumère les étapes de création de personnage avec les races, l’âge, l’allure, les attributs, les hobbys, les défauts, les relations ou encore la spécialisation ;
- 7 – Progression et Promotion (5 pages) explique les règles d’évolution des personnages ainsi que l’implication de celle-ci dans le jeu ;
- 8 – Règles du Jeu (9 pages) décrit les règles de base, agrémentées de quelques conseils pour le MJ ;
- 9 – L’Art de se Faire Mal (13 pages) contient les règles liées au combat, aux soins et aux dégâts ;
- 10 – Le Noble Art de la Magie (26 pages) définit la magie telle que perçue dans le monde de L’Agence Barbare et en décrit les règles, avant de proposer une longue liste de sorts ;
- 11 – Le Bestiaire (24 pages) propose non seulement une liste assez complète d’ennemis susceptibles d’affronter les PJ mais aussi des PNJ phares de la BD ;
- 12 – Équipement (27 pages) ratisse large car il traite des ressources, de la monnaie, des considérations du MJ sur les prix et l’encombrement, des armes, des services payants mais aussi des investissements plus importants, des objets magiques, de la drogue, etc. ;
- Les Experts : Astaris (21 pages) regorge de conseils pour le MJ, avec des pistes de scénarios, des générateurs de PNJ et d’intrigues, des aides de jeu en tous genres et surtout des recommandations quant à la gestion du jeu et de l’histoire sous tous ses formats ;
- Scénario d’introduction : Où Sont les Chats ? (6 pages) est un scénario d’initiation destiné aux MJ et joueurs qui souhaitent découvrir en douceur l’univers de L’Agence Barbare ;
- Scénario : Qui a Volé Avöhlé ? (12 pages) est un scénario plus touffu (dans tous les sens du terme) et propose aux agents de remonter la piste d’une statuette volée (deux cartes en annexe se trouvent à la fin du livre).
L’ouvrage se termine sur un sommaire, une table des tableaux ainsi qu’un index, et enfin sur une fiche de personnage.
Univers : délire total et totalement assumé
Je n’ai jamais écouté, vu ou lu Le Donjon de Naheulbeuk mais d’après les retours que j’ai, je pense qu’il s’agit d’un univers semblable à celui de L’Agence Barbare. Si vous avez déjà lu la BD d’Olier et Marko, passez votre chemin. Vous êtes déjà initié et je n’aurai rien à vous apprendre dans ce paragraphe. Pour les autres, si vous aimez les univers délirants, vous adorerez celui-ci. Comme pour Blacksad, j’ai découvert le jeu de rôle avant la BD. J’ai donc décidé d’en lire les quatre tomes avant de jouer, histoire de m’imprégner de l’univers. Et c’est de la balle ! En fait, L’Agence Barbare est une sorte de délire généralisé. Rien qu’une police moyen-âgeuse avec sa hiérarchie, ses procédures, ses cristaux de communication, son administration, etc. relève du grand n’importe quoi. Mais un n’importe-quoi totalement assumé et normalisé.
Là où Genseric Delpâture, l’auteur du jeu de rôle, frappe fort, c’est qu’il s’approprie complètement l’univers de la BD. L’humour, la parodie, les jeux de mots pourris sont au coeur de cet univers et l’auteur parvient à développer un décorum de 100 pages en respectant le matériau de base. Mieux, il le sublime ! Résultat, on enchaîne les pages avec un sourire en coin, tandis que le cerveau du MJ tourne à plein régime à mesure que les plaisanteries, les situations absurdes et les idées bouillent. Du début à la fin, on sent l’amour de l’auteur pour l’oeuvre d’origine, à laquelle il rend un bel hommage.
Design et lisibilité : problème de rapport qualité/prix
C’est malheureusement là que le bât blesse. L’Agence Barbare pèche sur la forme. Pour 45 euros, le livre propose une couverture souple cartonnée qui s’abîme assez facilement. L’intérieur est intégralement en noir et blanc (une version couleur a été imprimée uniquement pour les souscripteurs de la campagne Ulule). Certes, imprimer en couleurs coûte plus cher (et c’est peut-être même moins écologique… tiens, je me suis jamais posé la question) mais de nombreux éditeurs jouent sur les nuances de gris afin de proposer un certain contraste. Ici, on se contente d’un gris terne (type photocopie) qui accompagne le lecteur tout au long des 280 pages. Finalement, en dehors de la carte, les seules illustrations du bouquin sont celles de Marko et donc de la BD. Un moyen ingénieux et légitime d’économiser des frais de production. À condition de rendre justice à l’oeuvre. Ici, ces illustrations ont été prises telles quelles et grossièrement redimensionnées. En gros, bonjour les pixels ! Dommage, ça entache le sérieux du travail accompli sur le fond.
Car c’est bien ce qui sauve la lecture de L’Agence Barbare : son contenu. Le choix de la police, sa taille (c’est très important pour rendre la lecture plus rapide) et surtout la plume de l’auteur permettent de dévorer le livre très vite (chapeau, pour 280 pages !). On prend plaisir à le parcourir, on peut donc considérer que le cahier de charges est rempli. Ajoutez à cela les nombreux bonus et vous êtes servis : deux scénarios, un bestiaire complet et une flopée de tables qui servent à générer des noms de rues, des mystères, des effets spécieux (oui, oui, “spécieux”) et vous vous retrouverez avec un jeu plein de potentiel. Un travail de relecture plus rigoureux n’eût pas été de refus, cela dit, puisqu’on retrouve quelques coquilles ou encore deux pages en double en plein milieu.
Système de jeu : du classique revisité (et simplifié)
Je ne peux m’empêcher de nourrir quelques craintes avec le genre med-fan. J’ai beau avoir grandi – comme beaucoup – avec les Donjons & Dragons et autres Pathfinder, si je m’éloigne de ces jeux aujourd’hui, c’est à cause du système. Et souvent, les jeux volumineux du genre regorgent de règles assommantes qui minent ponctuellement le rythme de certaines parties. Heureusement, L’Agence Barbare relève le défi avec brio et propose un système certes classique mais revisité et grandement simplifié. De base, vous lancez 3D6 pour tous vos jets, auxquels vous ajoutez attribut et compétence. Selon les circonstances, vous obtenez des bonus ou malus, ou encore des effets secondaires selon l’action entreprise (lancer un sort peut avoir des conséquences dévastatrices…).
Pour les combats, le système reste globalement le même avec une touche de stratégie. Il faut répartir les 3 dés lancés entre la pénétration d’armure, la localisation de sa frappe (tête, jambes, torse, bras) et les dégâts. Une dimension originale (qu’on retrouve dans certains jeux) qui enrichit nettement les combats. Finalement, une jauge de Chance vient pimenter le tout et permet aux PJ de se sortir d’une mauvaise passe ou de trouver le soupçon d’énergie manquante pour réussir une action. Bref, un système assez classique mais qui semble très bon sur papier.
Et quand on joue ? Qu’est-ce qu’on se marre !
Du fun et rien que du fun ! Voilà qui résume la partie que j’ai maîtrisée en compagnie de trois joueurs qui ne demandaient qu’à rire un bon coup. Ils étaient unanimes, c’est le charme de l’univers qui fait effet avant tout. Ce côté très sérieux et assumé d’un univers complètement décalé permet tous les délires et autres absurdités. Nous nous sommes retrouvés avec un nain roulant les R qui, suite à un concours de circonstances, a développé une seconde tête sur ses épaules. Une tête qui avait un accent britannique… Bienvenue dans L’Agence Barbare.
Les combats se sont aussi déroulés de manière assez fluides même si, une fois de plus, je ne suis pas un grand amateur d’additions. Celles-ci, parfaitement logiques dans la conception du système, finissent inévitablement par miner le rythme, en particulier lors des combats. Je précise toutefois que c’est une préférence personnelle (et donc complètement subjective). Le côté tactique des combats s’avère quant à lui très intéressant et ne provoque pas de coupure nette dans le rythme de la partie. En l’état, le système tourne bien et permet de jouer de manière fluide tout en se marrant.
Conclusion : un med-fan original et complet
Une belle surprise, une fois de plus. L’Agence Barbare – Le Jeu d’rôle promet une belle expérience, complètement déjantée. On peut reprocher au livre son manque de soin et son rapport qualité/prix mais force est d’admettre qu’il compense sur bien d’autres aspects. J’apporterais bien quelques ajustements au système afin de satisfaire mes préférences personnelles mais tel quel, L’Agence Barbare vous offre tout ce qu’il faut pour vous lancer dans une campagne folle. Un univers délirant et riche et un système bien huilé… il ne vous reste plus qu’à trouver les agents qui vous accompagneront dans cette aventure épique.
P.S. : Je n’ai pas trouvé de titre à ma critique car celui du livre convenait parfaitement… et tant que j’y suis, n’oubliez pas de jeter un oeil au kit d’initiation du jeu.
Et sinon, y a-t-il parmi vous des agents barbares expérimentés ? Ou des jeunots qui cherchent à vivre d’un salaire moyen pour lutter contre le crime ? (Et si vous êtes pas contents, n’oubliez pas, y a la FNSEA…)
À bientôt sur Sitegeek,
Musa
Vous avez lu la BD de L’Agence Barbare ? Ne traînez plus ! Et si vous cherchez juste un jeu drôle et sans trop de prise de têtes, je ne peux que le conseiller également. Vous pouvez acheter L’Agence Barbare – Le Jeu d’rôle chez notre partenaire en cliquant sur le lien ci-dessous.
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on joue ?
Jouer à l'Agence Barbare est un réel plaisir. Un moment décontracté qui permet d'évoluer dans l'univers complètement décalé de la BD. Le tout agrémenté d'un système qui fait le job. Dommage que la forme suive moins...