Awaken est un jeu de rôle indépendant créé par The Games Collective et financé via Kickstarter. Sorti en avril 2017 en PDF, ce livre de 216 pages contient tout ce qu’il faut pour se lancer dans une aventure de dark fantasy assez classique, avec un twist.
“MJ s’installe autour de la table et sort son bouquin…
PJ 1 jette un coup d’oeil à la couverture : Tiens, il est joli ton bouquin !
MJ : Oui, je trouve aussi… c’est d’ailleurs ça qui m’a intéressé à la base. Les illustrations sont jolies.
PJ 2 : Et tu nous fais jouer à quoi aujourd’hui, du coup ?
MJ, enthousiaste : Ravi que tu poses la question. Le jeu s’appelle Awaken est c’est du dark fantasy… Ça se passe dans un contexte médiéval, avec des gens dotés de pouvoirs surhumains qui mènent des enquêtes, se livrent à des complots politiques ou affrontent des démons.
PJ 3 hoche la tête, faisant mine d’avoir bien compris : Ouais, en gros, c’est du D&D, quoi…
MJ se pince les lèvres et se tourne lentement : Non. Ce n’est pas du D&D. Ce n’est pas du MED-fantasy mais du DARK fantasy.
PJ 3 hoche toujours la tête : Ah ouais donc c’est du D&D mais en plus sombre, quoi…
MJ réprime un soupir et reprend lentement : Non. Comme je viens de te le dire, ce n’est PAS du D&D. C’est un autre univers.
PJ 3, qui ouvre grand les yeux et répète lentement à son tour : Donc c’est du D&D mais dans un autre univers…
MJ : Mais tu le fais exprès ou quoi ? Je viens de dire que c’est PAS du D&D !
PJ 2, voyant que ça risque de chauffer, interrompt PJ 3, qui allait réagir : Et justement, il est différent en quoi ?
MJ se calme en entendant la question : Eh bien déjà, vous êtes tous des humains et, comme je l’ai dit, vous êtes censés être au-dessus du lot. Vous n’êtes pas de simples aventuriers dans un univers pulp. Vous êtes une sorte d’espèce à part, des gens qui se sont éveillés et qui ont des pouvoirs particuliers.
PJ 1 enchaîne pour empêcher PJ 3 de parler aussi : Comme quoi ?
MJ inspire et réfléchit : Par exemple euh… vous pouvez lire dans les pensées…
PJ 3 murmure dans sa barbe, frustré qu’on l’empêche de s’exprimer : … comme un mage…
MJ, qui n’a pas entendu et poursuit : … vous pouvez renforcer votre constitution et votre force…
PJ 3 : … comme un barbare…
MJ, qui semble avoir entendu du bruit mais ne réagit pas : … ou alors vous pouvez soigner un allié…
PJ 3 : … comme un prêtre.
MJ : Et alors l’autre différence avec D&D (regard furtif vers PJ 3), c’est le système de jeu. Beaucoup plus simple, avec moins de calculs, un seul type de dés et plus d’insistance sur la narration et moins sur les mécaniques.
PJ 3, qui murmure un peu trop fort cette fois : Ouais donc c’est du D&D simplifié, quoi.
MJ : …”
On décortique Awaken
On retrouve comme toujours la page de crédits, suivie d’une table des matières concise et complète (c’est pas toujours le cas).. Ensuite, Awaken contient :
- 1 – Introduction (25 pages) constitue une introduction à la fois brève et exhaustive au monde d’Awaken, avec des informations sur l’Alliance, sa formation, ses citoyens, ses organisations, les Ordres, le commerce, les biens et services ou encore la loi et la sécurité ;
- 2 – The Great Cities (16 pages) décrit les grandes cités et autres lieux emblématiques du jeu, avec des informations pratiques (population, dirigeants, relations et fonctionnements politiques, etc.) et sociales ;
- 3 – Vasalli and the Awakening (16 pages) explore le mythe des Vasalli, leurs origines, leur évolution, leurs condition et statut, les dérives et conséquences de leurs pouvoirs, et enfin aborde les énormes Colossi ;
- 4 – The Orders (21 pages) décrit les Ordres un par un, détaille leurs objectifs, leurs factions, leurs rapports avec les autres, avant de s’intéresser aux groupes tiers ;
- 5 – Characters (15 pages) énumère toutes les étapes de création de personnage, des simples questions de background aux dons des Vasalli ;
- 6 – Mechanics (19 pages) concerne le système de résolution, en s’intéressant tant à la nécessité de mettre la narration au premier plan qu’à l’utilisation des bonnes combinaisons d’attributs et compétences, le chapitre évoque également les vertus, l’endurance et la corruption ;
- 7 – Combat System (12 pages) propose un système de combat cinématique, avec des règles toutefois relativement classiques, tout en ajoutant diverses tables d’informations (armes, armures, dégâts) ;
- 8 – Gifts (16 pages) liste les dons des Vasalli, leurs effets ainsi que leur progression ;
- 9 – Narration (12 pages) comprend tous les conseils au MJ afin de bien gérer la narration, tout en intégrant des notions pratiques permettant de donner vie à l’univers, comme la richesse ou le commerce, et se termine par l’évolution des PJ ;
- 10 – The Vargan Codex (20 pages) fait office de document fictif livrant de nombreuses informations sur les Vargans, l’un des antagonistes du jeu ;
- 11 – Antagonists (14 pages) décrit les antagonistes du jeu, à commencer par d’autres Vasalli, mais aussi des Vargans ou encore d’autres groupes inconnus ;
- 12 – Mists of the Kring Valley (15 pages) est un scénario d’introduction proposant aux PJ de mener une mission illégale en toute discrétion afin d’éviter des incidents commerciaux et diplomatiques.
Le bouquin se termine par une fiche de personnage, un index et une longue liste de backers remerciés pour leur participation à la campagne Kickstarter.
Univers : Du dark fantasy classique et cohérent
Ne jamais sous-estimer la puissance d’une illustration. Qu’elle soit jolie, hideuse ou truffée de gimmicks malsains, une illustration n’est jamais anodine. Ou du moins ne devrait pas l’être. C’est une illustration qui m’a donné envie de jouer à Awaken. L’illustration de ce géant colosse face à un quidam encapuchonné a attisé ma curiosité. Je l’avoue, je me suis laissé avoir par une de ces astuces éculées de la société de consommation (les salauds !). Pour autant, je ne suis pas déçu de ma découverte car Awaken propose un univers de dark fantasy classique mais intéressant. Mieux, il parvient en quelques dizaines de pages à donner une image claire de son univers… là où d’autres ont besoin de plusieurs ouvrages.
Je vous fais le topo : jadis, deux entités divines créèrent l’humanité et finirent par diverger. L’une devint bonne, l’autre un peu moins et ce fut la guerre. Le gentil l’emporta (ou l’emporta-t-il vraiment… ?) mais pris de chagrin, il disparut. Bon, ce résumé est excessivement grossier mais vous avez le background (approximatif, j’ai simplifié quelques trucs). L’humanité évolua et vit émerger des hommes et femmes aux aptitudes surhumaines : les Vasalli. Certains peuvent même devenir des Colossi, des êtres énormes contrôlés par des Vasalli afin de protéger les grandes cités. Celles-ci sont au coeur de l’histoire avec des conflits politiques (moins vicieux que Game of Thrones), une histoire, une culture et surtout une Alliance de plus en plus fragile. Bref, rien de révolutionnaire mais un univers bien ficelé et qui tient la route.
Design et lisibilité : De très jolies coquilles !
Je me suis déjà fait la réflexion que j’étais concilient avec le jeu de rôle. Surtout quand je compare avec mes avis plus sévères sur les jeux vidéo ou le cinéma. Pour cause, j’ai une certaine sympathie malgré moi pour les jeux conçus par un petit groupe de passionnés. Hélas, cette passion ne pardonne pas tout. En l’occurrence, Awaken compile les coquilles, les mots oubliés, les tournures étranges… J’ai beau ne pas être bilingue parfait, je maîtrise suffisamment la langue pour déceler les fautes qui tachent. Des problèmes d’accord simples, des déterminants une fois présents, une fois plus. Comme toujours, cela n’empêche pas de comprendre l’idée globale mais je dois avouer que pour le coup, ça a quelque peu ralenti ma lecture.
Les informations sont bien distillées, l’univers intéressant, les règles assez bien expliquées (“assez” car certains passages requièrent une lecture supplémentaire). Les règles accusent aussi quelques zones d’ombre, comme souvent dans un jeu de rôle. Si la lisibilité est en demi-teinte, les illustrations s’avèrent nettement plus jolies, bien qu’irrégulières. On tombe sur différents types de traits dans le bouquin. Par exemple, des dessins au teint pastel, avec des effets de peinture réussis. Ensuite, des dessins qui semblent entièrement numériques, sans le moindre faux trait. Enfin, des croquis en noir et blanc pour accompagner X ou Y paragraphe. Difficile de dire s’il s’agit d’un choix ou d’un concours de circonstances. Reste que le bouquin est assez joli, malgré son esthétique aussi classique que le reste.
Système de jeu : Imagination récompensée
D’emblée, les auteurs insistent sur un concept : la narration prime sur les mécanismes. Le système de base est simple : un pool de D6 selon l’attribut, la compétence et éventuellement la spécialisation. Il faut au moins un 5 ou un 6 pour réussir une action moyenne. Viennent ensuite les dons des Vasalli (incarnés par les joueurs), qui correspondent à de la magie. Mais attention, ces dons ne sont pas sans conséquences. Échouer provoque de la corruption ou des effets secondaires chez les PJ. La jauge de corruption implique des malus et peut même transformer le Vasall en démon… s’il survit jusque là. À cela s’ajoutent les jets de vertu, à savoir de chance, de volonté ou de courage (ce dernier semble presque redondant avec la volonté).
La règle d’or d’Awaken, c’est la “Picture Rule”, qui incite les joueurs à décrire de manière créative leurs actions pour être récompensés en dés supplémentaires, voire en réussite automatique. Un chouette incitant mais sur lequel je suis mitigé car quid des joueurs ayant moins d’imagination ? Enfin, les combats reposent sur le système de base et tentent de trouver un équilibre périlleux entre combat cinématique et schéma plus classique. Concrètement, le combat se joue en phases : déclaration des actions, manoeuvres, calcul du pool de dés, jets d’attaque et résolution. Quelques éléments viennent complexifier ce processus, comme le fait de diviser le pool de dés en attaque et défense pour calculer les dégâts par la suite. Reste à voir si ce mélange tient la route…
Et quand on joue ? Des… combats… très… lents
Bien que la partie que j’ai maîtrisée se soit bien déroulée – merci aux joueurs autour de la table -, plusieurs de mes craintes se sont confirmées. Tout d’abord, le système de combat. Je ne vois pas comment concilier la philosophie “simpliste” du système avec ces combats en phase. Ils sont lourds, cassent le rythme et impliquent une gestion fastidieuse des paramètres. Calculer le nombre de dés d’attaque qui passent la défense adverse, puis faire la différence avec les jets de défense et les jets d’attaque de l’ennemi qui se défend… *soupir* c’est saoulant rien que d’y penser. Personnellement, j’opterais pour un simple jet en opposition. Pas besoin de diviser en attaque et défense et le meilleur résultat l’emporte, la différence servant à calculer les dégâts. C’est tout de suite plus léger, non ?
Ensuite, la fameuse Picture Rule n’a jamais été sollicitée. J’ignore s’il s’agit d’un problème lié au jeu ou si c’est de la faute du MJ (coucou, c’est moi) mais on ne l’a pas vraiment utilisée. Du coup, il est vrai que les descriptions de mes joueurs étaient plutôt succinctes (mais si on a eu droit à quelques brillantes idées). Mon conseil serait donc de bien insister sur cette règle et d’encourager les joueurs à l’utiliser. Assurez-vous toutefois d’avoir des joueurs aguerris autour de votre table. En dehors de ces quelques points noirs, Awaken offre une belle alternative aux jeux de med-fan et avec quelques réajustements, promet de chouettes parties. Il ne manque plus qu’une campagne, même si un MJ expérimenté saura mettre à profit l’univers du jeu pour créer ses propres scénarios.
Conclusion : Une chouette alternative
Enfant, j’étais crédule. La simple pochette d’un jeu vidéo me donnait envie de l’acheter. Heureusement, ma mère me disait de ne pas me fier aux images… et elle avait raison. Des années plus tard, c’est le même gosse qui s’est fait avoir. Non pas qu’Awaken soit mauvais. Au contraire, c’est un jeu doté d’un univers certes classique mais très intéressant et qui alimentera les idées d’un MJ qui cherche autre chose que du D&D (& cie). En revanche, il faudra ajuster quelques trucs pour améliorer le système qui souffre de quelques zones d’ombre ainsi que de combats trop lourds pour son esprit. Une fois ces quelques soucis réglés, Awaken peut être un jeu très sympa et une bonne alternative au med-fan classique. Encore faut-ils que les gens en aient envie…
À bientôt sur Sitegeek,
Musa
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on joue ?
Awaken n'a pas inventé l'eau tiède. Il ne s'en revendique pas non plus. Son système se veut simple mais il s'alourdit inutilement avec des phases de jeu incompréhensibles. Avec quelques ajustements, le jeu propose toutefois une bonne alternative.
Salut,
J’ai bien aimé ta critique claire et objective d’Awaken. Effectivement, ce jdr est une bonne alternative et malgré quelques défauts (somme toute mineurs et facilement contournables) il recèle un bon potentiel. Son univers est bien posé et riche car il offre la possibilité d’opter pour différents styles de jeu et de scénarii. Ses règles sont simples et prônent la narration tout en proposant un cadre technique solide. Il y a pas mal de subtilités comme la gestion de l’attaque et de la défense (Comment va se comporter mon perso ce tour ? Agressif, pleutre, etc.) ou la corruption (jusqu’où mon perso va-t-il prendre le risque de se faire corrompre ?). J’ai bien aimé ce mélange technique entre système Paladin et Monde des Ténèbres. L’Alliance est un cadre de jeu fort avec de multiples factions et autres engrenages d’imaginaire. Les joueurs qui aiment les intrigues et les rebondissements devraient être servis. Pour avoir mener aussi, les combats ne m’ont pas parus lents. Par contre, ils demandent effectivement de l’organisation et de la sereinité (de l’expérience aussi). Bref, je recommande de découvrir ce jdr, il en vaut le coup !
Merci pour le commentaire ! :-)
Disons que j’aime les combats “cinématiques”, où on évite les multiples considérations. Clairement, à mon sens, l’attaque/défense dessert le système. Un jet d’opposition aurait suffi ou alors même juste un seul jet de la part de l’attaquant qui devrait dépasser la défense. Mais le fait de devoir s’amuser à décortiquer le pool de dés après le jet, c’est pas mon truc.
Oui, c’est clairement un jeu intéressant en ce sens qu’il propose une alternative aux classiques du med-fan, avec un cadre politique qu’on peut exploiter à souhait, à condition bien sûr d’avoir un minimum d’expérience comme tu le dis.