Dragons est un jeu de rôle édité par Studio Agate et sorti en février 2018. Le premier ouvrage de la série : Dragons : Aventuriers compte 390 pages et présente le système de jeu et un survol rapide de l’univers dédié d’Eana.
“PJ 1, aux deux autres en sortant son manuel D&D : Bien, j’ai enfin convaincu notre MJ de nous faire jouer un bon vieux D&D bien rétro !
PJ 2 et 3 s’exclament en cœur : Yeah !
PJ 1 : Il nous faut une équipe équilibrée, je propose qu’on prenne chacune un rôle. Il y a la magicienne pour tout faire péter à la boule de feu, la guerrière pour taper et résister, la roublarde afin de détecter les pièges et enfin une prêtresse pour soigner en cas de coup dur.
PJ 3 : Mais… On est que 3.
PJ 2 : Moi je veux bien faire la magicienne !
La MJ rentre dans la pièce, interrompant le débat, et dépose le livre de jeu sur la table : Aventurières ! L’heure est grave. Une vague de disparitions inquiétantes a lieu actuellement en ville. Seuls ceux et celles qui sont éveillés sont touchés par…
PJ 1 interrompant la MJ : Pourquoi il n’y a que “Dragons” sur ton livre ? Il manque Donjons non ? C’est la moitié de l’édition ?
PJ 3 : C’est quoi cette histoire d’éveillées ?
MJ, lâche un soupir : Oui oui, c’est bien du D&D et il y aura des donjons. *Reprenant sa voix épique et en levant les bras* : On appelle éveillés ceux qui, grâce à un événement particulier, ont gagné l’accès à la magie.
PJ 2, déçue : ah, je ne peux pas utiliser la magie tout de suite ? On doit d’abord faire la première aventure ? Ou monter au niveau 2 ?
MJ, d’une voix mystérieuse : Il ne tient qu’à toi de m’expliquer comment ton personnage s’est éveillé à cette puissance mystique qui sommeille sur Eana…
PJ 1 : Eana ?
MJ, exaspérée : Oui, l’univers dans lequel on va jouer.
PJ 1 : Jamais entendu parler d’Eana, c’est de l’officiel de Donjons et Dragons ?
PJ 3 : Euh, c’est pas Héros et Dragons le nom ?
PJ 1 : Et nous on joue dans Eana et Dragons alors ?
MJ *facepalm* : On va faire le point en quelques mots, parce que ce n’est pas très clair : l’éditeur de Dungeons & Dragons ne voulait pas traduire la gamme en français. Deux éditeurs français se sont proposés, dont Studio Agate, afin de traduire les livres. Sans entrer dans les détails, les deux ont reçu l’autorisation d’utiliser les règles, tant qu’ils utilisaient un autre univers que l’officiel de D&D. Le temps de lancer leurs projets, l’éditeur américain a changé d’avis et décidé de le traduire en français. Oui, il y a maintenant 3 gammes complètes avec les règles de la 5e édition du jeu de rôle le plus connu. *Des étoiles réapparaissent dans les yeux de la meneuse* Et aujourd’hui c’est la gamme Dragons *clin d’oeil vers PJ 1* “tout court” que l’on va jouer !
PJ 1, qui semble hésitante après ce court monologue et se lance malgré tout : Mais… pourquoi on joue pas au D&D officiel alors ?
MJ : …”
On décortique Dragons | Aventuriers
Le livre est au format A4 et doté d’une couverture cartonnée. L’entièreté des 390 pages de l’ouvrage est en couleur. La table des matières s’étale sur 4 pages et est bien détaillée.
- Avant-propos (4 pages) aborde les bases de ce qu’est un jeu de rôle, et présente le système modulaire (voir plus bas).
- Première partie : création de personnage (252 pages) se décompose en plusieurs sous-éléments qui comprennent :
la création de personnage pas à pas pour guider le néophyte dans le remplissage de sa fiche d’aventurier ;
- la présentation des différentes Espèces (une intéressante alternative au terme « races » généralement utilisé dans ce type d’ouvrage) dont les drakéides ;
- les différentes Civilisations d’Eana – le monde de Dragons -, présente de manière succincte mais alléchante un nouvel univers médiéval fantastique ;
- l’Histoire du personnage est un chapitre où l’on retrouve de nouveaux historiques prêts à l’emploi. Ainsi que la possibilité de créer son propre drame ;
- les Classes, grand classique des différentes éditions de D&D, mais proposant des voies alternatives à la cinquième édition et une nouvelle classe originale : le lettré ;
- les Langues de chaque région et culture du monde d’Eana ;
- et pour terminer les Options d’évolution telles que le multiclassage et les dons ;
- Seconde partie : Vie quotidienne (56 pages) aborde le troc et le système commercial, les différents niveaux de vie, et enfin les services et équipements en tout genre ;
- Troisième partie : règles du jeu (69 pages) explique comment utiliser les caractéristiques, faire vivre les aventures, le déroulement d’un combat, ce qu’il en est de la santé (fatigue, blessures, maladies et mort) et se clôture par les annexes ;
- Annexes : outre les états préjudiciables classiques à l’OGL D&D 5, on peut y trouver un glossaire technique utile et la fiche de personnage.
Univers : un classique revisité intelligemment
Il faut le reconnaître, le studio Agate sait s’y prendre pour donner envie de jouer. Les images, la présentation – succincte mais engageante – et surtout le choix d’inclure tout au long du livre des éléments de l’univers sous forme de mystère est une réussite : le joueur-lecteur a envie d’en savoir plus, de jouer dans ce cadre à la fois original et classique. On y retrouve les espèces classiques comme les elfes, les nains, les petites gens et les humains. Mais aussi les drakéides qui sont des « homme-dragons ».
Les civilisations font clairement écho à celles que l’on connaît. Que ce soit le nom, la présentation à l’aide de mots-clés et/ou une image bien choisie, on a immédiatement une idée (caricaturale) du type d’ambiance d’un lieu et du genre de culture qui peut y trouver. Le ton général est sombre, davantage que les autres univers du genre. Une petite mention spéciale pour les langues et leur type de sonorité. Dans le chapitre idoine, le lecteur pourra découvrir sur un peu plus d’une page les différentes sonorités des langues parlées sur Eana.
En tant que meneur-lecteur, j’ai été aussi pris par l’engouement lors de la découverte de ce cadre de jeu somme toute classique mais rafraîchissant. Et c’est l’objectif des rédacteurs : poser les bases d’un univers dans lequel le meneur et les joueurs ont toute latitude. Sans avoir à avaler des centaines de pages comme pour d’autres univers déjà bien usés de Dungeons & Dragons. La communauté elle-même est invitée à participer à l’élaboration de scénarios se déroulant sur Eana.
Le studio ne s’est pas (encore ?) lancé dans une campagne officielle. L’engouement sera sans doute au rendez-vous, mais ceux qui pensent à la campagne officielle des Ombres d’Esteren ne peuvent s’empêcher de s’interroger : sa rédaction sera-t-elle aussi lente ?
Les autres livres de base de la gamme sont en cours d’écriture, et le blog de Dragons est régulièrement mis à jour avec des articles qui présentent l’univers. Une partie de ces articles se retrouveront dans les autres ouvrages, le travail avance de manière visible pour notre plus grand plaisir. Une version bêta du grimoire est accessible (enfin !), mais uniquement aux souscripteurs.
Design & lisibilité : un système modulaire
Les pages sont toutes en couleur avec un style vieux parchemin du plus bel effet. Les images sont toutes magnifiques et donnent envie de se plonger dans cet univers. Leur nombre est important, il y en a autant si pas davantage que le nombre de pages du livre.
Le texte est toujours justifié et profite d’un bon espacement entre les mots qui rend la lecture très agréable. Je n’ai remarqué aucune faute. Le système modulaire : présenté dès les premières pages afin d’avertir le lecteur, ce système modulaire permet aux meneurs de définir une ambiance à table.
Des icônes (cf. exemples ci contre) constellent les pages du livre. Suivant la légende, l’icône noire comprenant un œil jaune indique une option permettant d’instaurer une atmosphère horrifique, tandis que le nœud sur fond jaune “intrigue” sera suivie d’une option ou d’informations pour meneur souhaitant davantage jouer sur les complots, factions et interactions sociales. Ces icônes peuvent être combinées pour, par exemple, créer un climat d’horreur au milieu d’une guerre froide entre plusieurs factions.
Système : OGL (D&D 5) sublimé, collé à l’univers
La 5e édition de Dungeons & Dragons est sortie en 2014 aux États-Unis. Et Dragons est l’une des traductions françaises de l’OGL. Je ne compte pas faire une critique du système de D&D 5, mais aborder les transformations et options proposées par le Studio Agate.
Les auteurs ont choisi de présenter le système de jeu de manière quelque peu différente. L’organisation des chapitres a été légèrement remanié. Mais on retrouve les éléments de règle principaux davantage détaillés.
Tout au long de l’ouvrage, le lecteur découvre l’univers grâce à des encarts placés de manière pertinente pour le joueur plus que pour le meneur. Les dieux sont présentés avec la classe du prêtre, les fiélons le sont sur la page du tieffelin (espèce dont l’origine est liée à un diable ou un démon), les effets du chancre (un mal qui ronge et pervertit Eana) avec certaines classes comme le druide ou le paladin, etc.
Concrètement, le manuel propose des options de jeu, des tables aléatoires pour inspirer les meneurs, des ajustements de capacités de classe, des dons et archétypes originaux.
À titre d’exemple :
- Table des aléas dans les auberges et relais, des échecs critiques, etc.
- Option d’action en combat : inciter. Pour jouer sur le moral des adversaires pendant le combat.
- Choisir sa victoire : quand un adversaire est vaincu, le choix de leur destin est placé entre les mains des personnages joueurs.
- La druide a besoin d’une action (et non plus une action bonus) pour se transformer en animal
Une nouvelle classe est disponible : le lettré. C’est un personnage un peu touche-à-tout, avec un rôle de soutien et d’interactions sociales. Le personnage possède un nombre de “points” lui permettant d’activer des effets en jeu. La fiche de personnage a été également retravaillée. Elle et est plus claire que la version OGL, mais possède 2 pages de plus. Des lignes séparent les différents éléments de la fiche, et le texte est plus aéré (ce qui explique les 2 pages supplémentaires). Les informations les plus importantes se retrouvent sur la première page.
Le seul regret est l’absence de la description des sorts et du système de magie dans le manuel. C’est la première vraie critique négative que je me suis faite en parcourant le livre, même si c’était annoncé depuis le début. Au passage, le livre de Dragons est moins cher que le Player’s Handbook de WOTC. Mais la personne qui désire obtenir la base complète du jeu Dragons, à savoir 4 livres, devra débourser presque autant que pour le triptyque de base de D&D.
Et quand on joue?
L’envie, comme je le disais plus haut, est bien présente. Surtout que je n’ai pas accroché à D&D 5, je dois dire que cette nouvelle mouture a réussi à susciter un certain engouement pour les parties test que j’ai organisé au club de jeu de rôle des SDC à Bruxelles. Plusieurs habitués de D&D ont été contactés, mais aussi quelques petits nouveaux afin d’avoir des retours sur le cadre de jeu, règles et univers.
Les joueurs ont eu beaucoup de plaisir à créer leur personnage en parcourant les pages du livre. Et ils étaient pressés de jouer dans l’univers d’Eana. Le guide “Pas à pas” du manuel est pratique pour accompagner les novices, tant au niveau mécanique que pour la présentation de l’univers de jeu. L’équilibre du jeu est recherché par les auteurs comme on peut le voir avec l’ajustement du druide plus haut. Néanmoins certaines voies dans les classes ou dons sont très (trop?) intéressants. Sans pour autant perturber réellement le système de jeu ou la difficulté des rencontres.
Scénario : Fort Ardraco, un donjon plus complexe qu’il en a l’air
L’ouvrage Dragons – Aventuriers était accompagné d’un scénario écrit par Ed Greenwood (créateur des Royaumes Oubliés) : Fort Ardraco. J’en ai donc profité pour faire jouer l’aventure sans avoir à adapter ou créer un scénario. Le livret à couverture souple fait 36 pages sans compter la couverture. On y trouve la table des matières, une introduction puis l’aventure décrite en 3 épisodes. Enfin, les 6 dernières pages regroupent les adversaires qui peuvent potentiellement croiser la route des personnages joueurs. Les illustrations sont toujours aussi belles, et le texte justifié, aéré, est exempt de fautes.
Le scénario est classique, une série de disparitions a lieu en ville et les personnages se retrouvent à enquêter sur l’affaire. Et aboutira sur un donjon pour le plus grand plaisir des habitués du genre. Au-delà du côté “classique”, une des forces de la série Dragons présente dans l’aventure est le choix côté meneur. Le MJ est libre de choisir parmi un panel bien fourni d’options variées expliquant la présence et la motivation des principaux antagonistes.
Le donjon n’est pas une suite de simples combats, ce sont de réelles “rencontres” intéressantes. L’auteur apporte des propositions originales pour permettre des discussions entre les PJ et leurs adversaires. Il n’y a eu aucune lassitude du côté MJ ou joueur en visitant le complexe, que du contraire !
Conclusion : Les pro du teasing
Le Studio Agate surfe sur l’engouement de la 5e édition du plus connu des JDR avec un nouveau (mais classique) cadre de jeu : le monde d’Eana et des images magnifiques. Dragons s’annonce donc comme une toute nouvelle gamme très très prometteuse, tournant sur un système légèrement remanié pour le plaisir des fans. Il faudra bien entendu attendre la suite pour confirmer ce premier contact très positif – et on se demande aussi combien de temps il faudra attendre… – mais si l’éditeur maintient un tel niveau de qualité, les amateurs de D&D devraient enfin trouver une alternative à leur jeu de rôle préféré.
À bientôt sur Sitegeek,
Cédric
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on joue
Dragons est une des adaptations francophone de D&D 5. Réalisée par le Studio Agate, cette version nous propose un nouvel univers captivant : Eana.
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