Pigsmoke est un jeu de rôle indépendant sorti en septembre 2017 et conçu par Chris Longhurst. Comptant 146 pages, ce jeu vous propose de retourner en classe, dans la peau d’un prof d’une école de magie…
“MJ entre, vêtu d’un pantalon de tweed, d’une chemise à carreaux et d’une fausse paire de lunettes.
PJ 1 fait mine d’éternuer en disant : *Ahem* Intello alert ! *ahem*
MJ s’arrête net, fixe PJ 1 droit dans les yeux par-dessus ses lunettes et dit d’un ton strict : Jeune homme, je ne tolérerai pas ce genre de comportement dans ma classe.
Les 3 PJ se regardent, pas sûrs de comprendre.
PJ 2 demande timidement : Euh… comment ça, ta cla…
MJ l’interrompt en tapant d’une baguette sur la table et en s’écriant : Oh là, jeune homme ! C’est ainsi qu’on parle à son professeur ? En le tutoyant et sans lever la main ?! Vous me copierez la thèse du Professeur Merlin sur l’usage intensif des potions anti-acné pour demain.
PJ 2, qui n’y comprend plus rien : Je dois quoi…
MJ l’interrompt une nouvelle fois, en tapant plus intensivement sur la table avec sa baguette et en levant sa voix, de plus en plus aiguë : Silence ! Décidément, nous avons affaire à une tête brûlée. Puisque c’est comme ça, vous copierez également le chapitre 6 du manuel des sortilèges.
PJ 2, qui ne souhaite pas un nouveau sursaut de colère de la part de MJ, décide de ne plus parler mais lance un regard interrogateur aux autres, qui semblent tout aussi perdus que lui.
PJ 1, après un moment d’hésitation, lève une main sans trop être sûr de lui.
MJ le regarde en souriant et acquiesce de la tête : Oui ?
PJ 1, en lançant des regards peu assurés aux autres : Euh… Monsieur ? *dit-il en guettant la réaction de MJ, visiblement satisfait* Euh… que se passe-t-il exactement ?
MJ, d’un air surpris et avec ce sourire en coin qui dit je-t’ai-eu : Ah mais vous n’avez donc pas lu la fiche descriptive, PJ 1 ? Vous ne savez donc pas quel est l’objet de notre étude rôlistique ce soir ? Vous devrez donc mémoriser la liste des effets secondaires dus aux sorts de métamorphose pour demain.
Visiblement content de lui, MJ toise la table. Il lâche un soupir dramatique en hochant la tête pour mimer l’exaspération.
MJ : Si vous aviez lu la fiche descriptive, vous sauriez que nous abordions aujourd’hui Pigsmoke, un jeu de rôle se déroulant dans une école de sorcellerie.
Grand silence entre les PJ, à la grande satisfaction de MJ qui savoure un peu trop sa position d’autorité. PJ 3 lève finalement la main.
MJ, d’un air faussement magnanime : Oui, PJ 3 ?
PJ 3 déglutit, sachant qu’il s’aventure sur un terrain miné : Euh… Monsieur, est-il possible que vous ayez commis une erreur ?
MJ, outré l’espace d’un instant, garde son sang froid et demande, tâchant de dissimuler le tremblement irrité de sa voix : Et puis-je savoir ce qui te fait dire ça ?
PJ 3, toujours aussi précautionneux : Eh bien il se trouve que j’ai lu la fiche descriptive et si je l’ai bien comprise, ce sont les joueurs qui incarnent les professeurs dans Pigsmoke.
MJ fixe PJ 3 du regard et se met à cligner frénétiquement, comme s’il essayait de résoudre un calcul mental très compliqué. Son air vaniteux cède vite la place à l’incertitude, si bien qu’il perd toute sa stature et se met à chercher frénétiquement dans sa petite mallette le livre du jeu. Il le feuillette nerveusement avant de le fermer d’un *clap* et de regarder devant lui, son regard trahissant sa bourde.
MJ essaie tant bien que mal de paraître assuré, malgré une voix plus aiguë que jamais : Il s’avère que notre PJ 3 a raison et que j’ai mal lu la description du jeu. En effet, dans Pigsmoke, vous incarnez les professeurs et donc…
PJ 2 intervient alors : Silence !
MJ : …”
On décortique Pigsmoke
Plus simple, tu meurs ! Après une page de crédits (enfin, plus ou moins…) et une page de table des matières, Pigsmoke contient :
- Pigsmoke 101 (18 pages) synthétise tout ce qu’il faut savoir sur le jeu, ce qu’il est, ce qu’il propose, ce qui l’a inspiré, comment il se joue – bref, un chapitre qui porte bien son nom ;
- Basic Moves (14 pages) regroupe les différentes actions que peuvent entreprendre tous les joueurs, indépendamment de l’archétype qu’ils se sont choisi ;
- Role Playbooks (20 pages) reprend les huit playbooks, ou archétypes/profils, du jeu, à savoir the Git, the Networker, the Politician, the Rockstar, the Slacker, the Fake, the Albatross, the Workhorse ;
- Department Playbooks (23 pages) liste les différents départements auxquels sont attachés les professeurs incarnés par les joueurs : celui de la vie et de la mort, du contrôle de l’esprit, de la clairvoyance, des éléments, de l’alchimie, de l’invocation et de l’exorcisme, de la médecine paravétérinaire, et enfin des artéfacts et reliques ;
- Pigsmoke (16 pages) décrit l’académie Pigsmoke où travailleront les PJ, sa structure et sa composition qui doivent être définies par les joueurs, le tout agrémenté d’un tableau de quatre pages sur le contrat social ;
- Agendas, Principles and MC Moves (14 pages) définit les grands principes que l’on retrouve souvent dans le système Apocalypse, les objectifs ainsi que les manœuvres du MJ ;
- The First Session (7 pages) accompagne le MJ dans la préparation de la première séance, son déroulement et sa suite ;
- Threats (10 pages) explique comment constituer des menaces ou plus généralement de l’adversité pour les PJ ;
- Example Threats (6 pages) en donne quelques exemples prêts à l’emploi ;
- Plots, Schemes, and Poor Fortune (7 pages) livre des contextes et situations que la table peut reprendre pour commencer à jouer.
Le livre se conclut par un index d’une page. Simple, on vous dit !
Univers : Attention, c’est *pas* Harry Potter
Alors je vais être honnête avec vous. Quand j’ai vu Pigsmoke sur Kickstarter (ça fait plus d’un an maintenant), j’ai tout de suite cru à un Harry Potter-like dans une école de magie américaine. “Mais quelle bonne idée !”, me suis-je écrié. Il se trouve que j’avais mal lu la description du jeu (ou peut-être ne voulais-je pas bien lire…). Et jusqu’à ce que je reçoive le PDF du jeu, je m’étais accroché à cette impression. Or, il s’est avéré que Pigsmoke n’était pas vraiment un jeu à-la-Harry-Potter. Ou pas totalement. Le jeu se déroule bien dans une école de magie mais les joueurs y incarnent des professeurs. Ça paraît anodin mais la différence est de taille. En effet, incarner des professeurs implique une autre dynamique, qui se traduit d’ailleurs par des actions et des structures différentes dans le système de jeu (j’y reviendrai).
En outre, l’esprit du jeu aussi s’éloigne de l’oeuvre de J.K. Rowling et on sent dans l’écriture de l’auteur Chris Longhurst la volonté de proposer un cadre léger, plus propice à l’humour qu’au drama. En revanche, la dimension académique est parfaitement retranscrite et entre les playbooks des différents départements de l’université, les moves qui impliquent de bosser ou encore la description du recteur, on est littéralement plongés dans un cadre scolaire. Quant à la magie, elle reste très secondaire et sert plus de contexte que d’enjeu majeur. Par exemple, un seul move concerne la magie, le reste renvoyant au métier de professeur ou aux interactions sociales. Du coup, Pigsmoke est en fait un jeu qui porte plus sur l’académie que la magie, il est important de le souligner.
Design & lisibilité : (Trop ?) simple, structuré et dans le ton
Je ne vais pas m’étaler sur la structure du bouquin, qui est elle aussi scolaire pour le coup. C’est justifié, c’est écrit avec une police parfaitement lisible et il y a des cases pour les éléments sur lesquels l’auteur souhaite attirer notre attention. En gros, si l’on s’en tient à l’écriture, c’est assez plat et classique (ce qui n’est pas un défaut dans l’absolu). Heureusement, le fond s’avère nettement plus intéressant et Longhurst rend la lecture de Pigsmoke très agréable.
Là où Pigsmoke brille, c’est grâce à ses superbes illustrations. Et c’était pas gagné d’avance car l’illustratrice Jacqui Davis s’était blessé le poignet au pire moment, ce qui a retardé la sortie du bouquin. Heureusement, l’auteur a patienté et Davis nous gratifie d’illustrations superbes, dans le ton du jeu. Entendez par là des dessins cartoonesques, à la manière des vieux Disney où chaque personnage affiche des traits volontairement caricaturaux. De quoi coller au cadre léger et humoristique voulu par l’auteur. On peut également saluer le nombre d’illustrations, relativement important pour un projet indépendant. D’autant qu’elles donnent vie et apportent de la couleur ainsi que de la fraîcheur au reste du design relativement plat du bouquin. Bref, suivez l’oeuvre de Jacqui Davis par ici.
Système : Apocalypse à l’école des sorciers… ou pas
Comme je vous l’expliquais plus haut, Pigsmoke est davantage un jeu sur la vie académique qu’un jeu s’attardant sur la magie. Celle-ci sert de contexte, c’est pourquoi la plupart des moves du système Apocalypse s’intéressent par exemple à la publication d’une dissertation, à la commande de matériel, à la recherche ou encore à l’enseignement, tout simplement. Un angle assez culotté et qui ne plaira pas à tout le monde mais qui s’avère extrêmement intéressant, même d’un point de vue ludique. Votre personnage, plutôt que de bêtement lancer un sort (même s’il peut le faire), peut par exemple se lancer dans la recherche magique et s’intéresser aux effets secondaires des potions d’amour sur les adultes de plus 40 ans. Osez dire que c’est pas génial !
Quant au système à proprement parler, il reprend les bases de l’Apocalypse, à savoir 2D6 + l’un des traits parmi Bureaucratie, Charisme, Recherche et Sorcellerie. Réussite à 10+, réussite partielle à 7-9 et échec à 6- (sans effets spécifiques, c’est le MJ qui choisit). Mais en plus de l’archétype de personnage, vous devez vous choisir un département (ils sont listés dans la description plus haut). Ce qui donne accès à une série moves supplémentaires mais aussi à des responsabilités et surtout de la matière pour que le MJ crée toutes sortes de situations. Bref, comme souvent, ce jeu PbtA cherche à créer des interactions et à impliquer tout le monde autour de la table dans la narration. Mais ici, ce n’est pas tant la forme que le fond du système qui permet d’atteindre cet objectif.
Conclusion : Vive l’école
Après ma première déception (non, c’est pas du Harry Potter chez les Ricains), je me suis vite laissé prendre à la promesse de Pigsmoke. Un jeu qui se veut léger mais qui va puiser toute son inspiration et sa richesse dans quelque chose d’aussi trivial que l’enseignement. Étant enseignant, je suis très enthousiaste à l’idée de me retrouver autour d’une table où je devrais faire face aux aléas du métier, dans un contexte magique. Ajoutez à ce postulat de superbes illustrations et un bouquin bien ordonné et vous êtes face à une pépite potentielle. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de le tester autour d’une table mais si d’aucuns s’y prêtent, vos retours sont les bienvenus. Attention toutefois au burn-out !
À bientôt sur Sitegeek,
Musa
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Je m'attendais à du Harry Potter... c'était PAS du Harry Potter. Mais en fin de compte, Pigsmoke, c'est pas plus mal non plus. Faut juste s'imaginer dans la peau d'un prof proche du burnout dans une école où on enseigne la magie. Cool, non ?
Salut. Je n’ai jamais entendu parler de ce jeu, mais je dois avouer qu’en parcourant cet article, j’ai bien envie de me laisser tenter, car j’aime aussi le métier d’enseignant. Merci pour le partage. :)
En tout cas, on ne peut pas reprocher à Pigsmoke son manque d’originalité avec l’angle qu’il choisit.