Les Ombres d’Esteren est un jeu de rôle français édité par Agate Editions et sorti en 2010. Le livre de base, Univers, compte 289 pages décrivant le monde ainsi que le système de jeu.
On décortique Les Ombres d’Esteren Livre 1 – Univers
Après les habituels crédits, table des matières et un avant-propos dans lequel les auteurs révèlent leurs motivations, inspirations ainsi que leur vision de l’univers des Ombres d’Esteren – le tout étalé sur 6 pages – le Livre 1 – Univers contient :
- un prologue de 2 pages qui situe directement l’ambiance, élément ô combien important dans Les Ombres d’Esteren ;
- le Chapitre 1 – Tri-Kazel (81 pages), qui s’attarde sur les informations géographiques de la péninsule du jeu. Les trois royaumes féodaux ainsi que les autres clans et ethnies y sont aussi décrits en détails. Ce chapitre brosse aussi l’histoire de la péninsule ainsi que les peuples qui y habitent et leurs ennemis (naturels ou surnaturels) ;
- le Chapitre 2 – Mode de vie (43 pages) s’intéresse aux us et coutumes des habitants de la péninsule. Ce qui inclut éducation, famille, construction sociétale, commerce, économie, arts, nourriture, architecture et artisanat. Le Chapitre 3 – Factions (34 pages) énumère les principaux groupes qui peuplent Tri-Kazel. Il ne s’agit pas de classes, celles-ci n’existant pas stricto sensu dans Les Ombres d’Esteren. On retrouve les pratiques, codes, philosophies et croyances de chaque faction ;
- après un épilogue d’une page, la partie “univers” du livre cède au Chapitre 4 – Système de jeu. Présenté comme simple, ce chapitre compte malgré tout 107 pages. Celles-ci se subdivisent comme suit : description générale du système et des types de PJ/groupes incarnés (20 pages) ; domaines et disciplines, soit les compétences (6 pages) ; création de personnage étape par étape (19 pages) ; argent et équipement (9 pages) ; expérience et progression (3 pages) ; système de résolution (6 pages) ; système de combat (3 pages) ; santé (6 pages) ; art demorthèn, les pouvoirs de la caste “druidique” du jeu (11 pages) ; miracles du Temple de la religion monothéiste (6 pages) ; magience, sorte de science post-industrielle steampunk (7 pages) ; santé mentale (12 pages) ;
- le livre se termine sur une fiche de personnage, un lexique et un index.
Univers : très riche, trop riche ?
Dans Les Ombres d’Esteren, on incarne des quidams d’un des trois royaumes médiévaux de la péninsule de Tri-Kazel. Coupée du monde par une chaîne de montagnes insurmontable, Tri-Kazel a connu plusieurs bouleversements sur ses trois territoires aux traits culturels différents. Le Sud respecte les traditions ancestrales et les demorthèn, êtres mystiques qui communiquent avec les esprits et sollicitent leurs pouvoirs. À l’Ouest, le Temple règne. Ses adeptes vouent un culte à une divinité unique dans un système hiérarchique, selon des règles codifiées. À l’Est, la magience a transcendé anciennes et nouvelles croyances. Cette “science” flirte dangereusement avec l’éthique et renvoie à l’industrie type steampunk. Si les dangers sont légions (sortir du village est une aventure en soi), une autre menace plane sur le monde : les feondas, monstres dont l’origine reste inconnue. Comme si la corruption, la politique, les jeux de pouvoir, les malades mentaux, etc. ne suffisaient pas !
L’univers du jeu est extrêmement vaste (un constat confirmé par les ouvrages suivants). Et si cela risque d’occuper plusieurs heures des lecteurs qui ont de moins en moins de temps, le résultat n’en demeure pas moins impressionnant. À l’image d’un J.R.R. Tolkien qui a conçu tout un univers à partir d’une langue dans Le Seigneur des Anneaux, les auteurs des Ombres d’Esteren nous livrent un monde complet et authentique. L’usage parcimonieux du surnaturel est un élément déterminant dans l’ambiance horrifique et dramatique du jeu. Ce qui empêche ce dernier de tomber dans la catégorie des clones de Donjons & Dragons. Les détails qui foisonnent tout au long des pages permettent également aux meneurs (mais aussi aux joueurs) de comprendre la complexité propre à l’univers dépeint. C’est un monde différent du nôtre, avec ses codes, ses repères, ses problèmes. Pris sous cet angle, en apprendre plus sur les systèmes féodaux des trois royaumes, les conflits entre de vieux ennemis de guerre, la construction de la communauté, la difficulté de voyager devient un enjeu vital pour les PJ.
Design et lisibilité : du travail d’orfèvre
Disposant de la version cartonnée du livre, je ne peux qu’applaudir Agate RPG et les auteurs pour leur travail magnifique. Le Livre 1 – Univers est un cas d’école en matière de design et de sex appeal. La typographie, les logos, les illustrations et surtout l’écriture en font un ouvrage exemplaire. Plutôt que de décrire l’univers du jeu sur près de 170 pages, les concepteurs ont privilégié une autre approche. Lettres, missives, correspondances et autres travaux privés constituent la description – à leur manière – du monde dans lequel les joueurs évolueront. Un choix original et ingénieux, qui rend la lecture beaucoup plus agréable. Heureusement, d’ailleurs, car sans cela, parcourir les 280 pages du livre serait fastidieux. À l’heure où les jeux de rôle papier optent de plus en plus souvent pour des formats légers, gaver le lecteur de tant d’informations reste un pari osé.
Ce qui m’amène au principal défaut des Ombres d’Esteren. Comme je viens de le dire, il faut passer par 170 pages de décorum avant de s’intéresser au système de jeu. Ce qui vous laisse imaginer la profondeur du contenu de l’univers, qui se résume pourtant à une péninsule. Si cette exhaustivité donne du crédit au jeu, difficile de tout retenir et de s’y retrouver quand on feuillette les autres ouvrages. De même, si un meneur aguerri se forcera à lire (voire à relire ?) cet énorme pavé, pas sûr que les joueurs se lancent dans cette aventure-là. Ce qui serait finalement dommage, dans la mesure où s’y trouvent de précieuses informations concernant leurs futurs personnages. En guise de consolation, notez une structure très claire qui permet de rapidement trouver les informations que l’on cherche.
Système de jeu : un D10 et c’est parti !
Auand je me suis procuré le Livre 1 – Univers des Ombres d’Esteren, on me l’a “vendu” comme étant un jeu simple. Ce n’est qu’à moitié vrai. Outre le décorum énorme qu’il faut lire avant de pouvoir jouer, le système regorge de subtilités importantes. En théorie, il est vrai que le système est simple, puisqu’il repose exclusivement sur un D10 et quelques chiffres. Les auteurs encouragent même à limiter l’utilisation du dé pour immerger davantage les joueurs, à condition que ces derniers se prêtent au jeu et incarnent sérieusement leur alter ego. Bref, les jets ne posent donc a fortiori aucun problème. En revanche, de nombreux éléments doivent être assimilés afin d’assurer un roleplay digne du monde qu’on nous dépeint. Par exemple, les antagonismes possibles entre les différentes factions nécessitent une bonne connaissance de l’histoire et de la géopolitique. Le fait que les attributs de jeux classiques soient remplacés par des voies (des traits de caractère basés sur votre combativité, créativité, empathie, idéalisme et votre raison) implique aussi de bien saisir leur concept, si bien qu’on ne se limite pas à additionner jets et modificateurs.
Là où les choses se compliquent également, c’est avec l’intervention des “pouvoirs” propres à chaque faction, en particulier les demorthèn, les Templiers et les magientistes. De nombreux tableaux et données chiffrées viennent compliquer le système. Rien d’ingérable, mais on s’approche un peu plus d’un jeu de rôle traditionnel que du jeu “léger” qu’on m’avait promis. Même chose pour la santé mentale, qui compte tout de même un chapitre de 12 pages, c’est dire si cet élément a un impact sur vos parties. Encore faut-il l’inclure, puisqu’à la décharge des auteurs, cette dimension du jeu n’est pas obligatoire et s’adresse à un public averti. Il serait pourtant dommage de passer à côté, ce qui implique encore une fois une lecture imposante et la compréhension de mécanismes techniques mais aussi de roleplay pour en profiter pleinement. Bref, vous l’aurez compris, la fiche de jeu des Ombres d’Esteren ne se limite pas à une succession de statistiques mais exige une interprétation personnelle des joueurs afin de “jouer” au mieux leurs personnages.
Et quand on joue ? On s’amuse… avec un bon MJ
Je vous avoue qu’avant de jouer, j’étais perplexe : les joueurs sauront-ils garder leur sérieux dans cet univers hostile ? Pire : serai-je capable de les immerger dans ledit univers ? Après un one shot et quelques parties de campagne, le résultat est concluant. Mon conseil : bien préparer son scénario et recourir à la musique pour l’ambiance, qui est vitale. Il revient en effet au MJ de bien gérer l’ambiance et de recourir le plus possible à une description qui sollicite les sens. Mais pour peu que les joueurs se laissent bercer par l’univers assez marqué du jeu, les parties promettent d’être mémorables… à condition de ne pas mourir. Les PJ n’étant pas surhumains, difficile de prédire un avenir radieux pour les héros que l’on incarne. De quoi méditer avant de foncer tête baissée dans un combat. Comme je l’expliquais plus haut également, une fois qu’on maîtrise les divers éléments qui encouragent au roleplay, la partie prend une tournure beaucoup plus intense et moins délirante que dans un jeu médiéval lambda. Rassurez-vous, on trouve aussi le temps de rire dans Les Ombres d’Esteren mais idéalement, on le fait quand la situation s’y prête.
Il faut également veiller à alterner les phases de jeu et les types de scénarios pour exploiter la richesse de l’univers. Sans quoi le plaisir risque de s’estomper. On peut donc passer d’une enquête à un drame psychologique, avant d’enchaîner avec les rouages d’un complot politique. Quoi qu’il en soit, Les Ombres d’Esteren permet vraiment d’organiser des parties intéressantes et ludiques, si le MJ garde bien à l’esprit que les joueurs doivent pouvoir influencer les conditions dans lesquelles ils se trouvent. Pour plus d’informations quant au système et – pourquoi pas ? – essayer Les Ombres d’Esteren, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil au prologue gratuit ici.
Conclusion : le Game of Thrones du jeu de rôle est arrivé
À la minute où j’ai parcouru ses premières pages, Les Ombres d’Esteren m’a fait penser à Game of Thrones. À ceci près que le jeu m’intéresse plus que la série… On retrouve en effet ce mélange de médiéval brutal, impitoyable et de surnaturel qui nous est inconnu et qui nous effraie (fascine ?). Un jeu de rôle qui reprend des systèmes éculés et les simplifie pour explorer d’autres mécanismes, notamment avec la santé mentale. Il s’agit en outre d’un jeu qui a réussi à trouver un subtil équilibre entre technique et roleplay, ce qui peut paraître anodin mais constitue en réalité tout son intérêt. Reste plus qu’à lire des centaines de pages pour se mettre au parfum.
Sur ce, je retourne bouquiner et reviens vers vous prochainement pour un nouveau jeu de rôle à décortiquer ! (Et si vous n’avez rien compris à cet article car vous ne connaissez pas le jeu de rôle papier, rendez-vous ici)
A bientôt sur Sitegeek,
Musa
Si l’aventure sombre, dramatique et horrifique des Ombres d’Esteren vous tente, vous pouvez acheter le Livre 1 – L’Univers chez notre partenaire Ludik Bazar en cliquant sur le lien ci-dessous.
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on joue ?
Bien qu'un peu lourd en lecture, Les Ombres d'Esteren est un excellent jeu de rôle, avec un univers authentique, immersif et un système plus ou moins léger.