La bulle Shenmue III a permis aux deux précédents opus de se faire une seconde jeunesse sur nos consoles. Shenmue I & II auraient toutefois pu choisir un meilleur chirurgien pour leur lifting.
Un après-midi avec Shenmue I & II sur PS4
Deux éléments indispensables à noter avant de lire ce test. Primo, il est rédigé par un semi-néophyte de la saga. J’ai testé Shenmue II sur Xbox il y a plusieurs années mais mon expérience fut brève. Secundo, le test s’intéresse au portage HD de 2018. Le but n’est pas de succomber à la nostalgie – même si celle-ci reste prégnante – mais de s’interroger sur l’opportunité d’acheter Shenmue I & II aujourd’hui. Cela me semble important car de nombreux retours émanent de personnes ayant joué aux volets originaux. De quoi biaiser la contribution que j’essaie de proposer avec ce test. C’est pourquoi ma critique de Shenmue I & II risque de paraître relativement sévère. Merci donc de considérer ce test pour ce qu’il est et pas pour un avis global sur des jeux sortis il y a près de 20 ans. Sur ce, hajime !
Drunken Remaster
Commençons par l’aspect qui fâche : Shenmue I & II est un portage ce qu’il y a de plus paresseux. Le genre de titre qu’on devrait trouver sur un marché virtuel à 5 euros/pièce. Or, c’est à minimum 30 euros que nous est proposée cette compilation, dont le budget a visiblement servi au marketing plus qu’au portage en lui-même. Les images comparatives disponibles sur le web attestent du travail visuel abattu, qui s’élève au minimum syndical. Un simple lifting HD à peine perceptible de textures qui accusent le poids des années. Ajoutez à cela des animations lourdes et une caméra capricieuse, et on se demande vraiment si le jeu en vaut la chandelle. Un constat similaire au son, qui trahit une qualité digne des cassettes walkman des 80. Un filtre parasitaire surplombe les dialogues, comme si les personnages parlaient en portant une cagoule épaisse.
Aux commandes, pas grand-chose à dire non plus. Le titre n’a pas été optimisé et on se retrouve avec un Ryo Hazuki incontrôlable dans des couloirs exigus (et il y en a !). Le bonhomme met une heure à se tourner (comment ça, j’exagère ?!) et il n’est pas rare qu’on se tourne sans faire exprès. S’ensuit un triste spectacle où on tourne littéralement en rond jusqu’à ce qu’une veine à notre tempe se mette à furieusement pulser. Comprenez-moi bien, je n’attendais pas de Shenmue I & II qu’il se hisse au niveau d’un Shadow of the Colossus (vendu 10 euros plus cher) mais au prix demandé, on peut clairement exiger de SEGA un minimum de travail pour remettre au goût du jour deux titres qui ont créé une hype transcendant son ancien public de niche. Qu’un programmeur me corrige si je me trompe, mais il me semble que les éléments évoqués auraient pu faire l’objet d’améliorations minimes, assurant pourtant un meilleur confort de jeu.
Quelques efforts, tout de même
L’abcès étant crevé, soulignons les quelques éléments qui ont été altérés afin de dépoussiérer Shenmue I & II. Tout d’abord, le passage au 16:9… enfin, en partie, puisque les cinématiques n’ont pas été retouchées. On retrouve donc les vilaines bandes noires de part et d’autre de l’écran. Ce n’est pas le genre de détail dont je me formalise mais je sais que tout le monde n’est pas aussi indulgent que moi. Sans compter que certains émulateurs, sans être parfaits, parviennent à étaler les cinématiques en 16:9. Autre nouveauté salvatrice : la possibilité de sauvegarder en tout temps. J’ai d’abord eu peur en voyant le logo de sauvegarde s’afficher dans la chambre de Ryo… avant de vérifier dans l’interface (datée aussi) et d’y trouver une option de sauvegarde (soulagement !).
Mais ce qui ravira le plus les fans et autres amateurs de jeux nippons, c‘est la présence des doublages japonais (je me souviens de Shenmue II en anglais… ça doit être une des raisons pour lesquelles j’ai jamais fini le jeu) et surtout la traduction des textes en français. On y trouve l’une ou l’autre faute mais il devient tellement rare de trouver des jeux traduits dans la langue de Molière qu’il convient de saluer SEGA. Ça n’effacera pas les autres bugs du jeu – en partie résolus depuis le patch Day One – mais ça permettra à une flopée de néophytes non-anglophones de découvrir l’histoire de Ryo Hazuki.
Le Japon moins romancé, ça marche toujours
Parlons-en de cette histoire, d’ailleurs, et de tout ce qui fait le sel de la saga Shenmue. Si le premier épisode reste globalement très perfectible, le second a rendu la série culte. Il suffit de voir l’engouement suscité lors de l’annonce de Shenmue III en 2015, alors qu’une grande partie de la foule surexcitée n’y avait probablement jamais touché. Rien que pour ça, Shenmue I & II se devait de sortir sur les supports actuels. Car au-delà de son portage scandaleux et autres bugs frustrants, le jeu propose un univers organique et une aventure entraînant le héros dans une quête anti-épique marquée par l’initiation et la vengeance.
Contrairement à un Yakuza, qui valorise l’honneur par la force, la brutalité et ce qu’il y a de plus extrême dans la société, Shenmue se dote d’une aura beaucoup plus apaisante et authentique. Ryo Hazuki est un garçon simple, qui vit dans un village simple. Les gens, que l’on peut intégralement solliciter, nous donnent un aperçu de la bourgade japonaise. En milieux urbains ou ruraux, ils illustrent un Japon beaucoup moins excentrique et romancé. Car il faut bien comprendre que le noyau de l’expérience Shenmue réside dans l’interaction avec l’environnement et les PNJ. Il faut en passer par là pour progresser, ce qui pourrait rebuter les adeptes d’objectifs clairs et définis. Mais cela procure une expérience atypique qui fonctionnait il y a près de 20 ans et qui semble toujours marcher. À cela s’ajoutent des combats au système un peu trop mou en 2018 (difficile de ne pas comparer avec Yakuza, encore une fois) ainsi qu’une série de mini-jeux qui restent très divertissants.
Résumé des scores
Graphismes/son
Jouabilité
Bande son
Durée de vie
Fainéant
Difficile pour un néophyte d'apprécier le poids des années qui n'a pas épargné ce pauvre Shenmue I & II. Outre la paresse du portage, le jeu dispose toujours d'atouts indéniables pour les amateurs du Japon et de quêtes pseudo-épiques.
Revue de presse
7/10Gamekult |
17/20Gamergen |
15/20JV.com |
8/10Gameblog |
À qui s’adresse le jeu ?
C’est *la* question déterminante. À qui s’adresse Shenmue I & II ? Le vétéran qui a envie de se replonger dedans (avec des doublages japonais !) avant la sortie de Shenmue III n’aura probablement aucune difficulté à débourser 30 balles pour renouer avec Ryo Hazuki et sa quête vengeresse. En revanche, j’ai l’impression – vu la hype autour de Shenmue III – que cette compilation s’adresse avant tout à un public qui n’y a jamais touché et qui voudrait découvrir l’histoire de la série avant de se lancer dans sa suite. Ce public-là, en particulier s’il est à jour dans ses expériences vidéoludiques, risque de pester contre les bugs, les contrôles lourds et datés ainsi que la technique poussiéreuse de Shenmue I & II. J’ai coutume de le dire : il est important de savoir pour quoi on paie quand on achète un jeu vidéo (ça vaut pour le reste de la culture). Aux consommateurs donc de sortir le portefeuille ou non en connaissance de cause.
Plus d’infos sur le site officiel de Shenmue I & II.
À très bientôt sur Sitegeek,
Musa
Le poids des années
Bande-annonce :
[gwen_video link=”https://www.youtube.com/watch?v=l3jkX6XaYa0″]
Derniers commentaires