À la fin des années 90, de nombreux titres étaient développés uniquement pour les marchés chinois, taïwanais et hongkongais. Water Margin — The Tales of Clouds and Winds (de son petit nom original Shui Hu Feng Yun Zhuan) fait partie de ces softs. Développé par Never Ending Soft Team en 1996 sur Sega Megadrive, ce titre a aussi eu droit à sa version arcade en 1999. Aujourd’hui, PixelHeart et Piko Interactive ont récupéré cette licence pour une version occidentale de ce beat’m all à l’ancienne.

C’est l’histoire d’un jeu…

Petite leçon de cinéma

Avant d’évoquer les origines purement vidéoludiques de cette histoire de Robins des Bois d’un autre temps, penchons-nous sur la source d’inspiration originelle de ce titre. Water Margin est avant tout un film, réalisé par Chang Cheh et sorti en 1972. Narrant les aventures de 108 rebelles en révolte contre le système et la domination de la dynastie Sung, ce long-métrage met en scène des belligérants chinois aux nobles intentions, afin de justifier des scènes de pugilat comme seul le cinéma asiatique savait en faire à l’époque. Pour l’anecdote, il aurait même fait partie de la pré-liste de Quentin Tarantino, pour la première édition de son festival éponyme en 1996. Il existe aussi une série terriblement populaire qui passait sur les antennes françaises fin des années 70. Quel programme !

Water Margin (Le film - 1972)

Water Margin (Le film – 1972)

D’où sort Water Margin ?

En 1996, la Megadrive est en fin de vie, elle a livré ses plus belles batailles et elle s’apprête à tirer sa révérence, pour laisser place à sa cadette la Sega Saturn, disponible depuis une année en Europe. Néanmoins, ce studio méconnu chez nous, Never Ending Soft Team, s’attelle à la faire travailler encore un peu. Ainsi, sans la licence Sega, Water Margin voit le jour en Chine, à Taïwan et à Hong-Kong. Le jeu est intégralement en chinois et clairement inspiré des Beat’m all à succès de l’époque tels que Streets of Rage, Golden Axe ou encore Street Fighter 2. D’ailleurs, on constatera également que de nombreuses musiques tirées de ce jeu apparaissent fréquemment dans d’autres bootlegs Megadrive dont The King of Fighters 99 et Mulan.

En 2015, Piko a récupéré cette licence, a traduit le jeu en anglais et a produit une version physique pour Sega Megadrive. C’est ici qu’intervient PixelHeart en proposant à son tour 100 exemplaires physiques de ce jeu d’aventure, compatibles avec les Sega Megadrive PAL, US et JAP. Aujourd’hui, il reste quelques exemplaires de ce titre sur leur site.

La mise en boite de PixelHeart

Avec ce genre de produit, le public cible est rapidement cerné : retrogamer, collectionneur, nostalgique, exigeant, d’âge mûr et connaisseur. Par la force des choses, PixelHeart se doit donc de proposer un produit de qualité, avec une présentation respectant les codes de l’époque. Force est de constater que même si le grain de la boite est un peu grossier en comparaison avec les boites originales de l’époque, le résultat est bluffant. La boite a exactement le même format, respecte les cotes et les cales de l’originale. La cartouche et le manuel s’y logent parfaitement.

Concernant la cartouche, elle n’est pas la même que son aïeul. Plus légère, pcb dure à insérer et encoche universelle sur le côté, elle s’offre le luxe de pouvoir intégrer les consoles de toutes les régions EURO, US et JAP. Le manuel est de très bonne facture et livre les explications rudimentaires et nécessaires avant d’entamer sa partie. Les us et coutumes d’antan sont respectés. Enfin, l’insert décoratif fait belle figure également, même s’il n’a pas le droit d’être estampillé Megadrive, il porte par la force des choses l’étendard PixelHeart.

Bref, pari réussi, la présentation fait illusion et on retourne petit à petit en enfance en tenant cet anachronisme réincarné entre ses mains. D’ailleurs, la comparaison avec un classique ne fait pas pâle figure.

Et si on testait Water Margin ?

Scénario

Le scénario a le mérite d’exister. La narration passe par des récits écrits qui défilent au début de chaque stage, afin de vous mettre en haleine pour vos prochains défis. Certes, le gameplay ne jouit jamais de son influence, mais le joueur qui aime se laisser bercer par des histoires de démons surgissant des profondeurs de la Terre pour anéantir la race humaine, tout cela au sein de la Chine féodale, trouvera écho à sa soif de dépaysement. Malheureusement, cette thématique de science-fiction ne colle pas avec la plupart des ennemis et des boss que l’on croise ; elle colle davantage à un film de 1972, réalisé en mandarin.
Pour sauver le monde, vous choisirez entre trois héros aux caractéristiques distinctes. Ils n’influenceront pas l’aventure, mais le niveau de difficulté choisi débouchera sur une fin à chaque fois différente. J’ai terminé le niveau débutant, l’épilogue vous annonce simplement que l’entrainement est terminé, et qu’il est temps de passer au niveau supérieur pour en voir davantage. Les beat’m all ne nous ont pas habitué à beaucoup mieux, disons que Water Margin fait le job, simplement.

Water Margin Deux hommes et une femme pour sauver le monde

Deux hommes et une femme pour sauver le monde

Technique

Le rendu graphique tire son épingle du jeu. Les sprites sont grands, colorés et détaillés. Les trois avatars disponibles ont un look et une personnalité propre. J’ai un coup de cœur pour Shi Jin, avec sa dégaine non sans rappeler un certain Shiryu des Chevaliers du Zodiaque, il a la classe le mec. Une des particularités de ces jeux non officiels de l’époque, est qu’ils s’inspiraient (copiaient) librement certains sprites des jeux japonais officiels. Ainsi, lorsque vous invoquez une attaque spéciale du type feu, vos ennemis en flammes singent l’effet qu’a le Yoga Flame de Dhalsim dans Street Fighter 2. Les décors brillent par leur variété et leur richesse. Le scrolling horizontal 2D en parallaxe fonctionne à merveille et donne de la profondeur à l’esthétique de l’aventure.

Yoga Flame... effet de flamme repris à l'identique dans Water Margin

Yoga Flame… effet de flamme repris à l’identique dans Water Margin

Force est de concéder que tout n’est pas parfait. Les couleurs sont saturées et on frise l’overdose de rouge. Même si les graphismes tutoient le niveau des jeux arcade 2D de l’ère Megadrive, ils ne surpassent tout de même pas les plus beaux jeux sortis sur le même support deux ou trois ans auparavant. Les musiques elles aussi atteignent un très bon niveau. Enivrantes, elles dynamisent le tout. Par contre, les digitalisations des voix sont atroces et ridicules. Dommage qu’une correction n’ait pas été apportée à ce niveau lors du portage de 2015.

Water Margin - Shin Ji, rien à envier à Shiryu, chevalier du Dragon

Shin Ji, rien à envier à Shiryu, chevalier du Dragon

Jouabilité de Water Margin

Pad en mains, on a vite fait le tour des options. Trois boutons à utiliser : A pour l’attaque spéciale, B pour le coup d’arme classique et C pour le saut.
Les attaques spéciales se récupèrent sous forme d’objets dispersés sur votre chemin. Elles se logent ensuite au dessus de votre barre de vie. Pour les invoquer, il suffit d’appuyer sur A… mais deux fois! Une fois pour la sélectionner, une fois pour la déclencher. Cela est tout sauf pratique, surtout dans le feu de l’action, appuyer deux fois d’affilée sur la touche relève du miracle. Cela a l’avantage de corser l’affaire et d’empêcher le joueur d’abuser de ces attaques. D’autant plus qu’à chaque utilisation, la barre de vie diminue. Tout cela pour qu’à la façon de Shinobi, des rafales de coups tombent du ciel et causent des dégâts à vos adversaires. En ce qui concerne les coups classiques, ils sont efficaces mais on ne peut pas se retourner en frappant. Cela rend le personnage statique dans certaines situations d’assauts à répétition, et la frustration n’est pas loin. Finalement, le coup le plus efficace reste le coup sauté. Ainsi, vous pouvez frapper, en mouvement et atteindre vos ennemis les plus farouches sans vous faire coincer par une horde d’antagonistes belliqueux.

Water Margin - Le genre d'attaque spéciale qui vous sauve les miches!

Le genre d’attaque spéciale qui vous sauve les miches!

Plaisir du jeu

Au milieu de ce cocktail de qualités et de défauts, ce Water Margin aurait probablement trouvé son public chez nous en 1996, et le trouve aussi depuis sa mise en vente par PixelHeart en 2018. Mais il ne faut pas se leurrer, cela reste une expérience sympathique, peu profonde et assez lassante après quelques heures de jeu. Personnellement, ma curiosité a été piquée, l’esthétique m’a suffi, la maniabilité m’a parfois frustré mais le nombre de continus très généreux m’a aidé à aller au bout de l’aventure sans abandonner. Une fois terminé, si ce n’est pour découvrir les fins alternatives, l’envie d’en découdre à nouveau n’est pas irrésistible.

Water Margin - Du sang neuf pour votre 16-bit

Du sang neuf pour votre 16-bit

Alors, j’achète ou je n’achète pas Water Margin ?

En 2021, acheter un jeu Megadrive neuf, et jamais édité auparavant dans un format compatible avec nos machines, reste une opportunité qui à elle seule, peut justifier de franchir le cap. Davantage pour la collection et pour le plaisir de découvrir un nouveau titre sur sa Sega de cœur que pour les qualités intrinsèques du jeu, Water Margin convaincra les fans purs et durs, conciliants et bon public, parce que c’est probablement ça aussi le plaisir : lâcher prise, fermer les yeux et voyager dans le temps pour mieux réveiller nos bons souvenirs d’adolescent.

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Merci à PixelHeart de m’avoir offert l’opportunité de réaliser ce test de Water Margin avec cette édition physique de qualité. Si vous désirez vous forger votre propre avis, il reste quelques galettes disponibles sur le site de PixelHeart pour 44,90 euros. N’oubliez pas que pouvez encore profiter de notre code promo pour bénéficier de 10% de réduction sgpixfev sur PixelHeart

Vega