Christopher Nolan est un génie du cinéma et il le prouve une nouvelle fois avec Dunkerque. Il nous rappelle qu’un blockbuster peut – et doit – être le travail d’un réalisateur passionné qui met son talent au service du spectateur, de l’expérience cinématographique. Mais alors… d’où vient cet arrière-goût amer que me laisse Dunkerque ?

La surprise Nolan, encore et toujours…

Depuis The Dark Knight, j’ai remarqué une constante chez Christopher Nolan. Le réalisateur souhaite absolument conserver la surprise de ses films pour les salles obscures. C’est du moins ce que supposent ses bandes-annonces, toujours cryptées et nimbées de mystère. Dans une industrie qui s’excite au moindre spoiler, au moindre scoop insignifiant (les cheveux de Wolverine ?), cette posture est à saluer. C’est donc avec une très vague idée que je me suis installé au cinéma pour découvrir Dunkerque, un film qui – comme prévu – était à des kilomètres de ce que j’attendais. Et si la surprise est globalement bonne – je suis fan du travail de Nolan, j’avoue -, elle n’en demeure pas moins perturbante car Nolan brise encore quelques codes du cinéma hollywoodien.

Dunkerque

On dirait un film de guerre mais en fait…

Nolan, un réalisateur de génie

Dunkerque est avant tout un bijou de réalisation. Un film qui devrait être visionné encore et encore dans les écoles de cinéma. Qu’on aime ou non les films de Nolan – et il a ses détracteurs… -, il reste un réalisateur hors pair qui met tout son talent au service de l’image, du son, et plus généralement de l’immersion. Il rappelle que le tournage physique d’un film – en 70 mm, s’ils vous plaît – est un art. Le résultat défie ce que pourrait produire le plus performant des ordinateurs en matière d’authenticité. Aucune image de synthèse ne pourrait reproduire l’effet d’un avion militaire capable de provoquer l’effroi sur une plage, à une époque où des robots et monstres géants massacrent à coups d’explosion en pleine métropole.

Dunkerque

Une scène visiblement banale et pourtant très intense…

Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre les images de synthèse (voir La Planète des Singes : Suprématie) mais Nolan suscite de vives émotions avec des moyens techniques relativement simples. Chaque plan, chaque séquence, chaque échange (verbal ou non) sert un but, un objectif. Nolan le sait et c’est pourquoi il s’affaire à sublimer chaque élément graphique et sonore de chaque scène. J’ai le tournis à simplement imaginer le degré de perfectionnisme que cela requiert. On en ressort avec un Dunkerque qui enchaîne des scènes tantôt anodines, tantôt pleines d’action avec un point commun entre les deux : l’intensité extrême du film. Je me suis plusieurs fois surpris à crisper mes mains sur mon siège. Et c’est comme ça du début à la fin.

Dunkerque

Des plans ingénieux et riches en sensations

Dunkerque, ce film qui n’aimait pas la guerre

 

L’une des surprises de Dunkerque, c’est qu’il ne s’agit pas d’un film de guerre. Oui, le film retrace en partie l’Opération Dynamo durant la Seconde guerre mondiale, quand 400.000 soldats sont coincés par les forces allemandes sur la plage à Dunkerque. Mais Dunkerque n’a rien à voir avec les films de guerre hollywoodiens. L’ennemi est impersonnel. En dehors de balles perdues et de quelques avions de chasse et bombardiers, on ne voit pas un seul Nazi à l’écran. Pourtant, le montage de Nolan rend les forces ennemies terrifiantes à l’aide de subtils artifices. Par exemple, un tract qui tombe du ciel, largués par les Allemands dès le début avec inscrit dessus : « vous êtes encerclés ».

Dunkerque

Beaucoup de soldats… mais toujours pas de guerre

La gestion du son est un autre moyen utilisé avec une précision monstrueuse par Nolan. La musique, d’abord, quasi absente du film. Enfin, pas vraiment « absente » mais Hans Zimmer – grand compositeur ! – a troqué les thèmes classiques pour des tons d’ambiance. Une ambiance qui s’inscrit dans cette intensité caractéristique à peine supportable du film. À cela s’ajoutent des effets sonores savamment maîtrisés, comme le bruit d’un chasseur allemand ou des tirs de balle faisant ricochet sur une coque en métal. Une fois de plus, Nolan met tous les moyens dont il dispose pour une expérience cinématographique insoutenable.

Dunkerque

L’ennemi est là… sans être là

 

Sans histoires…

 

Mais s’il n’y a pas de guerre, de quoi parle Dunkerque ? Et c’est là que le film risque de perturber de nombreux spectateurs, en particulier celui gavé au cinéma hollywoodien. Le cinéma est influencé par son contexte, sa culture. Dans une société américaine qui tend vers l’individualisme depuis le siècle dernier, il est naturel de voir un film se concentrer sur un héros ou une héroïne. C’est pour cela par exemple qu’on a peu d’empathie pour les figurants morts, relégués au troisième voire quatrième plan. Dunkerque met en scène des protagonistes mais ils servent un propos, ils ne sont pas des héros à proprement parler. Ce sont des quidams très peu bavards et pourtant très expressifs, dont on suit les péripéties une heure, un jour, une semaine – le film étant raconté depuis plusieurs points de vue.

Dunkerque

Des protagonistes sans importance… et pourtant très importants

Et c’est là que Dunkerque se distingue du lot. Il ne s’agit pas d’un film avec une histoire, des vrais protagonistes, des enjeux personnels mais d’un cinéma de situation. On retrouve ainsi des personnages très ordinaires, qui vivent la guerre à un temps T. Avec des choix. Des bons, des mauvais, des conséquences, la volonté de survivre malgré les dilemmes moraux. Dans l’absolu, ce n’est pas un défaut mais certains spectateurs sortiront du film – et je les comprends – avec une certaine insatisfaction. Celle d’avoir vécu un grand moment de cinéma… dans un film sans histoire. Je ne pense pas que ce soit un défaut pour autant mais le film aura probablement du mal à fédérer.

Que retenir de Dunkerque ?

C’est finalement la question que je me pose : que retiendra-t-on de Dunkerque ? Une expérience cinématographie inouïe, certes, mais est-ce tout ? Le temps nous le dira mais je dois admettre que l’absence de scénario – au sens hollywoodien du terme – risque de diviser. Pour ma part, ce n’est pas un problème, surtout devant un tel spectacle. D’autant qu’on ne peut que saluer l’audace de Christopher Nolan, ne serait-ce que pour avoir proposé un film qui parle de guerre sans en parler, avec ses aspects les plus anodins et les plus dérangeants. Un vrai bol d’air frais, dans une industrie qui glorifie la guerre depuis plus de 30 ans ! Le tout, avec une gestion de l’image et du son qui feront vivre au spectateur une expérience aussi intense qu’authentique.

Plus d’infos sur le site officiel du film de Dunkerque.

D’autres avis sur ce Dunkerque ? Satisfait ? Non ? Dites-nous tout en commentaires !

En attendant, je vous dis à bientôt sur Sitegeek.fr,

Musa

Attention, spectacle perturbant

Bande-annonce :

https://www.youtube.com/watch?v=T7O7BtBnsG4

Galerie :