Alors que je croyais le grand M. Night Shyamalan relégué au rang de has been, le voilà qui sort avec Glass une alternative crédible et interpellante au film de héros. Et c’est super !
Le réalisateur qui split le public
Disons-le franchement, M. Night Shyamalan n’est pas le réalisateur le plus fédérateur de Hollywood (l’a-t-il jamais été ?). Après un coup de maître avec Le Sixième Sens, le cinéaste a maintenu une recette qu’il a remuée à toutes les sauces, jusqu’à lasser la critique, avant de sombrer dans un marasme de médiocrité. Un déclin qui, à mon sens, a débuté avec La Fille de l’Eau, avant de toucher le fond dans Le Dernier Maître de l’Air, l’une des pires adaptations au cinéma (avec une polémique sur fond de racisme… pas si infondée). Bref, je vous le dis honnêtement, je ne croyais plus en Monsieur Shyamalan. Jusqu’à Split.
Avant même de l’avoir vu, j’étais hypé par le pitch ainsi qu’une douce affection pour le jeu d’acteur de James McAvoy. Un talent qu’il a confirmé, tandis que Shyamalan marquait son grand retour derrière la caméra avec un film original, assez expérimental, et une référence subtile à l’une de ses meilleures oeuvres : Incassable. Véritable réinterprétation du concept de “super” héros, le film de 2000 trouve dans Glass la suite qu’il méritait.
Le mythe du super héros revu et corrigé
Petit rappel : dans Incassable, Bruce Willis incarnait David Dunn, un père de famille qui se découvrait la capacité et la force de sauver des gens en détresse. Pas de cape, pas de collants, mais une volonté inébranlable d’aider son prochain. Une révélation signée Elijah Price (Samuel L. Jackson), un véritable génie (du mal ?) qui cherchait désespérément un homme parfait comme Dunn pour justifier son existence : celle de son opposé, imparfait et capable de tuer des innocents pour arriver à ses fins. Dans Glass, le duo binaire est accompagné de la Horde (James McAvoy), un personnage contenant plus de 20 personnalités dont la Bête, une brute surpuissante qui enlève des filles… on ne sait pas trop pourquoi (et ça n’a pas d’importance).
Le cadre est posé : trois personnages, trois motivations et surtout un soupçon de surnaturel dans un cadre parfaitement crédible. C’est ainsi que Shyamalan réinterprète le mythe du super héros. À considérer qu’il s’agisse bien de super héros, puisque le film va remettre en question ce postulat et tenter (maladroitement, j’y reviendrai) de faire douter le spectateur ainsi que les personnages. Comme souvent, Shyamalan sème le doute et la confusion pour nous livrer un twist surprenant qui donne tout son sens au film. Qu’on apprécie ou non le twist, celui-ci s’avère audacieux, tant dans son propos que sa narration. Contrairement aux Marvel et DC, Glass propose une lecture parfaitement crédible des super héros et déroute par les questions qu’il pose au spectateur qui en vient à se demander “et si… ?”.
La Horde a tout défoncé
Si Glass se dote d’un trio de tête assez balèze, c’est la prestance phénoménale de James McAvoy qui sort du lot. Incroyable dans Split, il crève l’écran dans cette suite grâce à un jeu d’une finesse qui force le respect. Plus besoin de changer de cadrage pour changer de personnalité. McAvoy incarne plusieurs de ses personnalités sur un seul plan. On le voit venir, on devine qui prend la parole et on se régale. Si l’acteur ne faisait pas encore l’unanimité, son talent ne peut plus être remis en question.
Hélas, permettre à l’acteur écossais de crever l’écran a atténué l’importance des deux autres personnages secondaires. C’est Bruce Willis et son David Dunn qui en pâtissent le plus. Toujours attachant pour quiconque a vu Incassable, le personnage souffre du rythme du film, si bien qu’on ne s’intéresse à son sort qu’au début et à la fin. Un constat moins gênant pour Monsieur Glass himself, qui prend le temps de s’impliquer dans la trame mais qui, une fois présent, ne nous lâche plus. De quoi confirmer un choix de casting parfait en la personne de Samuel L. Jackson.
Reste le casting secondaire. On y trouve trois personnages qui servent d’ancres aux protagonistes : la mère de Price, le fils de Dunn et… la victime de la Horde dans Split ? Euh… bon, ben on mettra ça sur le dos d’un vilain syndrome de Stockholm. Quoi qu’il en soit, ces personnages revêtent une importance mineure et ne servent qu’à alimenter le fameux twist-à-la-Shyamalan. Ils ne sont pas suffisamment importants que pour donner de la substance aux personnages principaux. Reste Sarah Paulson, dont le jeu assez inexpressif se prête très bien à la psychologue qu’elle incarne. Si d’aucuns risquent de lui reprocher sa prestation, je pense au contraire qu’elle a parfaitement compris le rôle de son personnage, en atteste une scène en particulier qui, elle aussi, prend tout son sens à la fin du film.
Pirouettes et maladresses shyamaliennes
En toute franchise, j’ai adoré Glass. Difficile toutefois de ne pas relever quelques défauts typiques du réalisateur. Des scènes incongrues, des plans improbables, des transitions narratives brutales, ou encore un rythme mal géré pourraient laisser un arrière-goût légèrement amer. Ainsi donc, le suspense autour duquel se construit le film se voit complètement faussé pour quiconque a été bien attentif durant ce film et les précédents. Toujours est-il que le propos du film n’est pas là, et une fois le générique de fin lancé, j’avais complètement oublié ce faux enjeu. Autre souci : le twist. Léger spoiler, le film n’en propose pas un mais deux (et pas de scène post-crédit, Dieu merci !). Si le premier s’avère foutrement osé, le second prend le risque de le gâcher, même s’il s’avère en phase avec le titre du film (j’en dis pas plus).
Cantonner Shyamalan à ses tares notoires serait toutefois d’une grande injustice. On retrouve également ses éclairs de génie, comme certaines séquences qui semblent filmées n’importe comment avant d’être intelligemment exploitées par le cinéaste. Et si le rythme est effectivement haché, la première heure du film s’est écoulée sans que je m’en rende compte. L’action, elle, jouit de tout le savoir-faire de Shyamalan. Les combats, notamment, jouent sur le son pour marquer la brutalité des coups, si bien qu’on savoure chaque coup porté. Les affrontements s’avèrent ainsi bien plus intenses que dans un Avengers qui suinte le plastique numérique (qui reste impressionnant, cela dit).
Et au diable les critiques !
Je n’ai pas seulement apprécié Glass. Le film m’a interpellé et m’a surtout fait réfléchir au concept de super héros dans un univers crédible et réaliste. Bref, il est le digne successeur de Incassable, cela ne fait aucun doute. Pourtant, j’ai failli ne pas le voir. Les critiques catastrophiques semblaient tellement unanimes (elles ne le sont pas) que j’ai envisagé d’attendre la sortie du film sur galette. Heureusement, j’ai appliqué le conseil que je donne régulièrement ici et je suis allé voir de mes propres yeux. Au diable donc les critiques, ne ratez surtout pas Glass et laissez-vous emporter par son propos qui jette un voile bienvenu sur ses tares facilement pardonnables.
À bientôt sur Sitegeek.fr,
Musa
Bande-annonce