Je m’attendais à une bête adaptation de bouquin en allant voir Ready Player One. C’était sans compter sur ce vicieux de Steven Spielberg qui m’a pris par les sentiments… Le salaud !
Spielberg, c’était mieux avant
Je ne suis pas un grand fan de Steven Spielberg. Je l’ai évoqué quand j’ai listé les films de 2018 que j’attendais et Ready Player One était bien loin d’être en tête. La faute à un réalisateur qui a mal vieilli et qui a perdu, je pense, une partie de son public en cours de route. De films ayant fait rêver des millions de gosses des années 80 à la moitié des années 90, le réalisateur s’est lancé dans des registres plus variés – matures, diront certains – à l’orée du 21e siècle. Et dans le lot, une flopée de maladresses et de titres non-aboutis. Même ses retours aux univers enchanteurs comme Le BGG n’ont pas réussi à susciter l’émoi que nous procuraient des Hook ou des Jurassic Park.
Je n’attendais donc rien de plus qu’une overdose de références à la pop culture dans Ready Player One. J’étais même prêt à m’en satisfaire, pensant que cette adaptation du roman Player One d’Ernest Cline serait tout au plus un film pop-corn, au pire un nanar médiocre. Autant vous dire que je sors de la projection avec un sentiment de béatitude et de satisfaction inattendu. La bonne surprise est telle que, même en discutant des défauts réels du film, j’ai décidé de les balayer d’un revers pour savourer pleinement l’expérience nostalgique et touchante que je venais de vivre. Explications.
Du fan service au service du film
Toutes les bandes-annonces de Ready Player One ont capitalisé sur les références à gogo du film. Du Halo par-ci, du Chucky par là, du Géant de Fer au milieu, le tout au volant d’une DeLorean. Ready Player One est une ode à la culture populaire, avec un fan service donnant le tournis. Pour rappel, le film met en scène un jeune homme happé, comme la majorité de la population mondiale, par un jeu de réalité virtuelle et augmentée : l’Oasis. Ce jeu fut créé par un développeur passionné et amateur de la culture geek, qui a truffé son jeu de références au cinéma d’horreur, aux jeux vidéo old-school, aux films de Robert Zemeckis, j’en passe et des meilleures.
Mais Ready Player One ne se limite pas à une ribambelle de références. Le contexte permet en effet à ces dernières de prendre sens. On n’assiste plus à une orgie de clins d’oeil mais bien à l’incarnation d’une passion. Celle d’un homme qui a voulu transmettre ses repères aux millions de joueurs arpentant les pixels de l’Oasis. Souvent, ces caméos ne se contentent donc pas de faire de la figuration, ils ajoutent quelque chose à la scène, voire au scénario. Que ce soit pour rire, pour faire évoluer la trame ou encore flatter l’ego du geek qui guette la moindre référence, Ready Player One utilise ses nombreux clins d’oeil à bon escient. Cela peut paraître anodin mais le film évite ainsi une multitude de pièges dont aurait pu regorger un tel cadre.
Spielberg au top de sa forme
L’autre atout de Ready Player One, c’est la maîtrise cinématographique d’un Spielberg au sommet de son art. Accompagné d’un Alan Silvestri dont on retrouve avec frissons les tonalités de Retour vers le Futur, le réalisateur américain opère un véritable retour aux sources qui ne peut qu’amadouer le plus sévère des spectateurs (j’ai moi-même succombé). Les scènes se déroulant dans le monde réel s’avèrent banales et n’ont d’autre but que la progression de la trame. C’est dommage car l’introduction, qui dessine un 21e siècle dystopique, nous laisse rapidement sur notre faim.
Une fois qu’on entre dans l’Oasis, en revanche, nos yeux se régalent. Une fois de plus, je craignais des effets spéciaux et des images de synthèse désastreux et illisibles. Non content de proposer une ambiance visuelle crédible, Spielberg parvient à rendre parfaitement lisibles les scènes d’action les plus frénétiques. Un véritable tour de force, si bien qu’on se croit en permanence dans un jeu vidéo grandeur nature. Du reste, le réalisateur instaure un rythme quasi parfait, si bien qu’on ne voit pas les trois quarts du film passer. Quelques longueurs sont à déplorer sur la fin mais pas de quoi gâcher l’expérience dans son ensemble. Enfin, on peut remercier Zak Penn, un scénariste irrégulier mais qui signe ici un véritable hommage à la culture geek en insistant bien sur l’époque qui l’a démocratisée, les années 80.
Dès qu’on gratte sous les pixels…
C’est beau, lisible, divertissant. Ready Player One serait-il donc parfait ? Loin s’en faut. Si je m’accommode parfaitement des défauts et si je le revisionnerai avec plaisir, quelques tares ne m’ont pas échappé. Si le film reprend les meilleurs codes du cinéma de divertissement des années 80, il en reprend aussi de moins bons. À commencer par la romance du jeune héros, digne de la plus niaise des comédies romantiques. Non seulement l’évolution de la relation n’est pas crédible, mais elle ne va même pas au bout de ses idées.
Exemple : le film aborde les aléas des rencontres virtuelles. La fille canon du jeu vidéo est-elle une fille canon dans la vraie vie ? Oui. Pour faire passer la pilule, on lui colle une marque de naissance autour de l’oeil mais l’actrice Olivia Cooke répond à tous les critères de beauté conventionnels. Pas sûr que le message “attention à qui tu rencontres en ligne, tu risques d’être déçu” reste pertinent. À cela s’ajoutent d’autres codes peu reluisants du vieux cinéma de Spielberg. Les gentils sont gentils. Les méchants sont méchants. L’ensemble est assez niais. Le héros doit contrecarrer les plans de domination du méchant. Soit typiquement tout ce qui pourrait m’agacer dans un film en 2018 mais que je pardonne allègrement à Ready Player One.
… on se fiche des défauts
Pourquoi cette indulgence ? Car le film l’assume complètement et ne prétend pas une seule seconde offrir un spectacle mature. À l’image de Hook, de Retour vers le Futur, de E.T., des Goonies et de tous ces films qui ont bercé notre enfance, Ready Player One vend du rêve, comme le jeu qu’il met en scène. Il ne nous interroge pas sur les problématiques socio-économiques de notre époque. Il ne nous questionne pas sur les phénomènes sociaux de notre siècle. Non, Ready Player One cherche simplement à toucher l’enfant qui sommeille en nous. À nous transmettre la passion de James Halliday, créateur de l’Oasis incarné par un Mark Rylance diablement touchant. Sur ce terrain, Ready Player One tape dans le mille, si bien qu’il pourrait devenir l’un des films références des enfants de cette génération-ci.
Merci pour la madeleine
S’installer sur un siège au cinéma, en s’attendant à un film quelconque mais qui se solde en véritable surprise, est l’une des expériences les plus grisantes pour un critique. C’est, sans l’ombre d’un doute, ce que m’a procuré Ready Player One. Loin d’être sans défauts, le film s’en accommode très bien et les justifie même grâce à un Steven Spielberg qui a enfin su renouer avec ce qu’il fait de mieux. Un cinéma touchant, nostalgique et qui fera rêver des tonnes de spectateurs de tous âges. Il ne reste plus qu’à garder l’oeil pour déceler les (très) nombreuses références du film. Saurez-vous les repérer toutes ?
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à faire un tour sur le site officiel de Ready Player One.
À bientôt sur Sitegeek.fr,
Musa
Bande-annonce